Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/14

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battre ; mais en même temps il fit remise des impôts, et accorda presque tout ce que demandaient les Bagaudes… Il ne s’agit, voyez-vous, que de savoir demander aux rois ou aux empereurs… Tendez le dos, ils chargent votre bât à vous briser les reins ; montrez les dents, ils vous déchargent…

— Bien dit, vieux père… Demandez-leur les mains jointes, ils rient ; demandez-leur les poings levés, ils accordent… autre preuve que la Bagaudie a du bon.

— Elle a tant de bon, que vers le milieu du dernier siècle, elle a recommencé contre les Romains ; cette fois elle s’est propagée jusqu’ici, au fond de notre Armorique ; mais nous n’avons eu qu’à parler, point à agir. Le moment était bien choisi ; j’étais, si j’ai bonne mémoire, l’un de ceux qui, accompagnant nos druides vénérés, se sont rendus à Vannes auprès de la curie de cette ville, composée de magistrats et d’officiers romains, à qui nous avons dit ceci : « Vous nous gouvernez, nous, Gaulois bretons, au nom de votre empereur ; vous nous faites payer des impôts fort lourds, à nous, Gaulois, toujours au nom et surtout au profit de ce même empereur. Depuis longtemps nous trouvons cela très-injuste et très-bête ; nous jouissons, il est vrai, de nos libertés, de nos droits de citoyens ; mais le vieux reste de notre sujétion à Rome nous pèse ; nous croyons l’heure venue de nous en affranchir. Les autres provinces pensent ainsi, puisqu’elles se rebellent contre votre empereur… Donc, il nous plaît, à nous, Bretons, de redevenir complètement indépendants de Rome comme avant la conquête de César, comme au temps de Victoria la Grande ! Donc, curiales, exacteurs du fisc, allez-vous-en, pour Dieu, allez-vous-en ; la Bretagne gardera son argent et se gouvernera elle-même ; elle est assez grande fille pour cela… Allez-vous-en donc vite, il ne vous sera point fait de mal… Bon voyage, et ne revenez plus, ou si vous revenez, vous nous trouverez debout, en armes, prêts à vous recevoir à coups d’épées, et au besoin à coups de faux et de fourches… » Les Romains ne tenaient