Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/151

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— Scélérat !… tu veux donc attirer sur cette maison le courroux du ciel ! Ah ! seigneur comte… je tremble des malheurs qui nous menacent si cet audacieux impie continue ses blasphèmes.

Neroweg n’avait pas attendu l’observation de son clerc pour s’épouvanter des sacrilèges paroles de l’esclave gaulois, et pâle, tremblant, il frémissait à cette pensée qu’appelé par les effrayants blasphèmes du condamné, le diable pouvait soudain paraître pour emporter ce scélérat, et, par occasion, l’emporter peut-être aussi, lui, Neroweg, pour payement de quelque restant de compte infernal non réglé avec le bienheureux évêque Cautin ; aussi le comte s’écria-t-il, happé d’une idée subite :

— Forgeron, tes tenailles sont encore dans le brasier et toutes rouges ?…

— Oui, seigneur comte.

— Ce maudit ne blasphémera plus et ne risquera pas ainsi d’attirer le diable dans mon burg… Qu’on saisisse ce sacrilège et qu’on lui coupe la langue avec le tranchant des tenailles… Dis, clerc, crois-tu le Seigneur suffisamment apaisé par ce châtiment ?… Crois-tu que le diable, n’entendant plus ces effrayants blasphèmes, n’aura plus occasion de venir ici ?

— Je crois, seigneur comte, qu’il n’y a pas de supplice assez terrible pour ce maudit !… Nier Dieu et traiter ses ministres d’imposteurs !…

— Veux-tu, clerc, que je le fasse écarteler pour conjurer plus sûrement la présence du démon dans mon burg ?…

— Le châtiment que tu lui infliges suffit… Ce damné sera ainsi puni par là où il aura péché… Sa langue scélérate a blasphémé ; elle ne blasphémera plus…

— Mais crois-tu ce châtiment suffisant ?… Dis toute la vérité, clerc… Cet esclave est mon meilleur cuisinier, mais je n’hésiterais à le faire écarteler si tu regardes cela comme nécessaire à cause du démon ?…