Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/170

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ner seul à seul les eulogies à ta femme ; il lui donnerait les eulogies de la Vénus des païens, tout saint homme qu’il est !

— Chram, je suis le serviteur du fils de notre glorieux roi Clotaire ; mais comme évêque, j’ai droit à ton respect.

— Tu as raison, puisque aujourd’hui vous autres évêques vous êtes presque aussi rois et surtout aussi riches que nous autres rois.

— Chram, tu parles de la puissance et de la richesse des évêques en Gaule… Oublies-tu donc que notre puissance est celle du seigneur Dieu, et nos richesses le bien des pauvres ?…

— Par la peau flasque de toutes les bourses que tu as dégonflées, grosse belette qui suces le jaune des œufs et ne laisses aux sots que la coquille ! tu dis cette fois la vérité… Oui, vos richesses sont le bien des pauvres, ce bien vous l’avez mis dans votre sac !

— Glorieux roi, je t’ai accompagné jusqu’au burg de mon fils en Christ, le comte Neroweg, pour accomplir l’acte de haute justice que tu sais, mais non pour laisser railler imprudemment, en ma personne, notre sainte religion catholique et apostolique.

— Et moi je maintiens que de jour en jour votre puissance et vos richesses augmentent ! J’ai deux filles de ma race, peut-être verront-elles le pouvoir royal s’amoindrir encore par vos usurpations, vous évêques, avec qui nous avons partagé notre conquête ; vous que nous avons enrichis, vous de qui nous avons été les hommes d’armes !

— Nos hommes d’armes, à nous, hommes de paix ! Tu te trompes, ô roi ! nos seules armes sont nos prédications !…

— Et quand les peuples se moquent de vos prédications, comme ont fait les Visigoths, ces ariens de Provence et du Languedoc, vous nous envoyez extirper leur hérésie par le fer et par le feu !

— Et de cela gloire à Dieu !… Les pieux rois franks, dans ces guerres contre les hérétiques, ont gagné un immense butin, fait triompher l’orthodoxie et arraché des âmes aux flammes éternelles, en les ramenant au giron de la sainte Église.

Celui qui eût assisté à ce souper de la villa épiscopale, où l’évêque