Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/198

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trée du souterrain, fermé par des barreaux de fer, jetait sa rougeâtre et vacillante lumière sur les prisonniers gaulois, réunis non loin de l’ouverture de cette prison, dont la profondeur restait pleine de ténèbres.

Près de la grille de l’ergastule, la petite Odille, couchée sur la terre, les mains croisées sur son sein de quinze ans, comme une morte que l’on va ensevelir, avait aussi la pâleur d’une morte ; assise près d’elle, l’évêchesse, toujours belle, quoique pâlie et amaigrie, soutenait, sur ses genoux, la tête de l’enfant, et la contemplait avec des yeux de mère… Ronan, les jambes enveloppées de chiffons, les mains chargées de menottes de fer, incapable de se tenir debout ou agenouillé, est assis non loin des deux femmes, le dos appuyé aux parois du souterrain ; il jette sur Odille un regard non moins appitoyé que celui de l’évêchesse ; l’ermite laboureur, garrotté comme son frère, dont il a partagé la torture, se tient assis près de lui, et semble ému des soins que prodigue l’évêchesse à la petite esclave, qui semble expirante.

— Meurs, petite Odille ! — disait Ronan, — meurs, mon enfant… tu serais brûlée vive, mieux vaut mourir de la blessure que tu t’es faite d’une vaillante mais trop faible main, lorsqu’il y a un mois tu m’as cru tué !

— Pauvre petite ! l’émotion de cette journée a épuisé ses forces… Voyez, Loysik, voyez, Ronan, son visage devient, hélas ! de plus en plus livide !

— Bénissons cette pâleur livide, belle évêchesse ; elle annonce une mort prochaine… cette mort sauvera la pauvre enfant des douleurs du supplice ; sa blessure ne l’a-t-elle pas déjà sauvée des nouvelles brutalités du comte et de la torture d’aujourd’hui ?… Meurs, meurs donc, petite Odille, nous revivrons ailleurs ! Libre, j’aurais fait de toi, pour toujours, ma femme en Vagrerie, si tu l’avais voulu ; car déjà je t’aimais tendrement pour ta douceur, pour ta beauté, pour le malheur et la honte qui t’avaient frappée si jeune, enfant inno-