Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/203

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force d’héroïques insurrections contre les Romains, la Gaule avait pas à pas, au prix du sang de nos pères, reconquis ses droits, ses libertés, son indépendance ! lors de l’ère glorieuse de Victoria la Grande ! Tu dis vrai, Loysik, tu dis vrai.

— Et la vision prophétique de cette femme auguste ? cette vision que nous a transmise dans ses récits notre aïeul Scanvoch, et que notre père nous a si souvent racontée ? te la rappelles-tu ?

— Oui, dans cette vision, Victoria voyait la Gaule esclave, épuisée, saignante, à genoux, écrasée de fardeau, se traînant sous le fouet des rois franks et des évêques !

— Mais la fin ? la fin de cette vision de Victoria la Grande ?

— Oh… splendide ! rayonnante ! la Gaule libre, fière, glorieuse, foulant d’un pied superbe son collier d’esclavage, la couronne des rois et celle des papes de Rome, la Gaule tenait d’une main une gerbe de fruits et de fleurs, de l’autre un étendard surmonté du coq gaulois !

— Eh ! que crains-tu donc alors ? songe au passé ! vois-y la Gaule, courbée d’abord sous la conquête romaine, se relever, par le courage de ses enfants, libre et redoutable !… Que le passé te donne foi dans l’avenir !… Cet avenir est lointain peut-être ! que nous importe le temps à nous, qui, en ce moment suprême, n’avons plus à mesurer d’ici à demain que les dernières heures de notre vie… Oh ! mon frère, j’ai une foi profonde… invincible dans le réveil et l’affranchissement de la Gaule !… Je te l’ai dit, les siècles sont des siècles pour l’homme ; ils sont à peine des heures, des instants, pour l’humanité dans sa marche éternelle !

— Loysik… tu me rassures… tu raffermis ma croyance… oui, je quitterai ce monde les yeux fixés sur cette vision radieuse de la Gaule renaissante !… Un dernier chagrin me reste… l’incertitude où nous sommes du sort de notre père ! 


— S’il survit, puisse-t-il ignorer notre fin, Ronan ! il nous aimait tendrement… c’était un grand cœur ! En temps de guerre