Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/21

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ayant vu et observé beaucoup de choses ; il m’avait donné le secret de ce mystère :

« Comment notre peuple, qui jadis avait su s’affranchir du joug des Romains si puissants, avait-il subi et subissait-il la conquête des Franks, auxquels il est mille fois supérieur en courage et en nombre… »

La réponse du colporteur, je voulais ici l’écrire, parce que c’était chose vraie, et à méditer pour notre descendance, parce que cela ne confirmait, hélas ! que trop les prédictions de Victoria la Grande, qui nous ont été transmises par notre aïeul Scanvoch ; mais le départ de ce malheureux enfant, la joie de ma vieillesse, m’a frappé au cœur. Je n’ai pas en ce moment le courage de poursuivre ce récit… Plus tard, si quelque bonne nouvelle de mon favori Karadeuk me donne l’espérance de le revoir, j’achèverai cette écriture… Hélas ! en aurai-je jamais des nouvelles ? Pauvre enfant ! partir seul à dix-sept ans pour courir la Bagaudie !

Serait-il donc vrai que les dieux nous punissent de notre désir de voir les malins esprits ? Hélas ! hélas ! je dis, ainsi que la pauvre mère, qui va sans cesse comme une folle à la porte de la maison regarder au loin si son fils ne revient pas :

« Les dieux ont puni Karadeuk, mon favori, d’avoir voulu voir des Korrigans ! »




Mon père Araïm est mort de chagrin peu de temps après le départ de mon second fils ; il m’a légué la chronique et les reliques de notre famille.

J’écris ceci dix ans après la mort de mon père, sans avoir eu de nouvelles de mon pauvre fils Karadeuk… Il a trouvé sans doute la mort dans la vie aventureuse de Bagaude… La Bretagne conserve son indépendance, les Franks n’osent l’attaquer ; les autres provinces de la Gaule sont toujours esclaves sous la domination des évêques et des fils de Clovis ; ceux-ci surpassent, dit-on, leur père en férocité…