Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/235

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— Sang et mort ! perdu… et nous là, brisés, incapables de vous défendre !

— Mon Vagre, une dernière fois, je t’en conjure ! sauve-toi… Tu refuses… viens donc là, tout près, entre mes bras… passe les tiens à travers cette grille… viens, mon époux… Ah ! maintenant que nos âmes s’exhalent dans un dernier baiser !…

Une vingtaine d’hommes de pied et quelques leudes accouraient en armes vers l’ergastule ; un des leudes disait :

— Une partie de ces chiens d’esclaves profite de l’incendie pour se révolter ; ils parlent de venir délivrer ce chef des Vagres et les prisonniers… Vite, vite, mettons-les tous à mort… ensuite nous exterminerons les esclaves… La clef de la grille, la clef ?…

— La voilà…

Au moment où Sigefrid prenait la clef, il aperçut Karadeuk et s’écria :

— Le bateleur ici ! Que fais-tu là, vieux vagabond ?

— Noble leude, mon ours, effrayé par le feu, m’avait échappé ; je cours après lui… Il est, je crois, tapis là, près la grille, dans un coin… Hélas ! quel malheur que cet incendie !

— Sigefrid, la grille est ouverte, — dit un des Franks. — Commençons-nous par tuer les hommes ou les femmes ?

— Moi, je commence par tuer les hommes ! — s’écria Karadeuk en plantant son poignard au milieu de la poitrine de Sigefrid, duquel il s’était rapproché tout en lui répondant, et qui, la grille ouverte, entrait la hache à la main dans l’ergastule : le vieux Vagre s’y élança pour mourir, s’il le fallait, auprès de ses deux fils.

— Que dis-tu de ma griffe ? — dit à son tour le Veneur en poignardant un autre Frank, et courant à l’évêchesse.

— Vagrerie ! Vagrerie !… — À nous, bons esclaves !… — À nous, révoltez-vous !… — crièrent des voix tumultueuses et lointaines qui venaient non du côté des bâtiments en feu, mais de l’espace qui séparait l’ergastule du fossé d’enceinte. Puis, se rapprochant de plus