Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/326

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de presque tout le midi de la Gaule, où ils s’établirent durant de longues années, poussèrent leurs excursions guerrières jusqu’à Bordeaux, jusqu’à Tours, jusqu’à Poitiers, jusqu’à Blois… à Blois où à cette heure Abd-el-Kader, par un étrange revirement du sort des nations, semble expier la conquête de ses ancêtres, maîtres en ces temps-là d’une partie de notre sol, comme nous sommes aujourd’hui maîtres de l’Afrique.

Vous allez enfin, chers lecteurs, dans l’épisode de la Crosse abbatiale, assister à des scènes étranges qui se passent au milieu d’un couvent de femmes. Ces étrangetés, je dois les justifier par quelques citations relatives à de semblables scènes rapportées par les chroniqueurs contemporains.

« …… Chrodielde et plusieurs de ses religieuses retournèrent à Poitiers et se mirent en sûreté dans la basilique de Saint-Hilaire, réunissant autour d’elles des voleurs, des meurtriers, des adultères, des criminels de toute espèce, car elles se préparaient à combattre…

»…… Les scandales que le diable avait fait naître dans le monastère de Poitiers devenaient de plus en plus déplorables… On accusait l’abbesse d’ouvrir les bains du monastère à des hommes, d’avoir continuellement autour d’elle des jeunes gens habillés en femmes, etc., etc. » (Grégoire, évêque de Tours, liv. IX, X et suivants.)

Un autre évêque, nommé Venance Fortunat, écrivait à deux religieuses les vers suivants pour rendre hommage aux repas succulents qu’elles lui préparaient de leurs mains chéries :

« …… Au milieu des délices variées, lorsque tout flattait mon goût, je dormais et je mangeais tour à tour, j’ouvrais la bouche, je fermais les yeux, toutes les sauces tentaient mon appétit ; croyez-le bien, mes chéries, j’avais l’esprit troublé, il m’eût été difficile de m’exprimer librement ; ni mes doigts ni ma plume ne pouvaient tracer des vers : l’ivresse de ma muse avait rendu mes mains incertaines, car je ne suis pas à l’abri des accidents qui menacent le commun des buveurs ; la table même me semblait nager dans le vin, etc. » (Poésies de Venance Fortunat, liv. VII, p. 24.)

Un dernier mot de gratitude, chers lecteurs, pour vous remercier de votre intérêt constant pour cette œuvre, que les prétentions monarchiques et cléricales, coalisées contre la république démocratique et sociale, rendent presque de circonstance.


Paris, 20 janvier 1851

Eugène Sue,
Représentant du peuple pour le département de la Seine.