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Cette lettre devait être placée avant l’épisode de la Crosse abbatiale, qui fait partie du cinquième volume, et qui suit Ronan le Vagre ; nous donnons cette lettre à la fin de ce volume, afin de ne pas interrompre le récit dans le cinquième volume.


L’AUTEUR
AUX ABONNÉS DES MYSTÈRES DU PEUPLE


Chers lecteurs,

Nous avons cru devoir donner de longs développements à l’épisode de Ronan le Vagre, ce récit vous retraçait la conquête de la Gaule, notre mère patrie, l’un des faits les plus capitaux de l’histoire des siècles passés, puisque les partisans de la royauté du droit divin et les ultramontains revendiquent encore aujourd’hui pour leurs rois et pour leur foi, cette sanglante et inique origine. Dernièrement encore, à l’Assemblée nationale, (séance du 15 janvier 1851), n’avons-nous pas entendu le plus éloquent défenseur du parti légitimiste prononcer ces paroles à propos de Henri V : « En rentrant en France, il ne peut être que le premier des Français… le Roide ce pays que ses aïeux ont conquis… » — Quelques jours auparavant, lors de la discussion du projet de loi sur l’observance forcée du dimanche, n’avons-nous pas entendu M. Montalembert invoquer la foi de Clovis ! La foi de Clovis ! jugez, chers lecteurs, vous qui connaissez Clovis, sa foi et les actes de ce fervent catholique.

Telle est donc, de l’aveu même des partisans du droit divin, l’origine de ce droit : la conquête, c’est-à-dire, la violence, la spoliation, le massacre… Certes, nous ne prétendons point que les légitimistes d’aujourd’hui soient des hommes de violence, de spoliation, de massacre ; mais l’inexorable fatalité des faits, l’histoire en un mot, prouve à chacune de ses pages l’abominable et oppressive iniquité de ce prétendu droit divin, alors consacré par l’odieuse complicité de l’Église catholique. Puis vous aurez remarqué, chers lecteurs, la part que le clergé gaulois a prise à cette conquête, dont il a partagé les dépouilles ensanglantées.

Nous étudierons dans les récits suivants les conséquences de cette conquête, le sort des peuples toujours réduits aux douleurs et aux misères de l’esclavage, les désastres de la Gaule incessamment déchirée par les guerres civiles ou ravagée par les invasions des Arabes au huitième siècle, et des Normands au neuvième et au dixième… Oui, des Arabes, car, chose étrange, Abd-el-Kader, cet intrépide et dernier défenseur de la nationalité arabe (car tout en rendant un juste hommage à l’admirable bravoure de notre armée, n’oublions pas que lui aussi, comme les Gaulois du vieux temps, combattait pour son foyer, pour sa religion, pour sa patrie…) tandis que Abd-el-Kader est aujourd’hui prisonnier au château de Blois, il y a onze siècles les ancêtres de cet émir, alors