Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Le royal boucher qui le mettait ainsi à mort savait le bon endroit pour enfoncer son couteau, — dit Ronan. — C’est ainsi qu’on tue les jeunes torins… Continue, docte Symphorien.

« — Aux cris de l’enfant, son petit frère se jette aux pieds de Childebert, et s’attachant à lui de toutes ses forces, il s’écrie : — Mon oncle ! mon bon oncle ! viens à mon secours… fais que je ne sois pas tué comme mon frère ! » — Childebert, un moment ému, dit à Clotaire : « — Accorde-moi la vie de cet enfant ? » — Mais Clotaire, furieux, lui répondit : « — Ou repousse l’enfant de tes genoux, ou tu vas mourir à sa place… C’est toi qui m’as mis dans cette affaire… et voilà que tu manques de parole ?… »

— Ce bon Clotaire avait raison, — dit Ronan : — comploter le meurtre de ces enfants, et reculer devant leur sang, c’était faire injure à la noble race du glorieux Clovis ; mais ce lâche Childebert s’est, pour l’honneur de sa royale famille, ravisé, je l’espère, docte Symphorien ?

— En pouvait-il être autrement ? « Childebert repoussa l’enfant de ses genoux, le jeta vers Clotaire, qui lui enfonça, comme à l’autre, un couteau sous l’aisselle et le tua… Les deux rois firent ensuite mettre à mort les esclaves et les gouverneurs des deux enfants, dont ils se partagèrent le royaume (C). »

— Et voilà comme se fondent les monarchies bénies par nos évêques, — dit Ronan. — C’est beau, les royautés, n’est-ce pas, mes Vagres ? Ah ! par Rita-Gaür ! ce saint Gaulois des temps passés, qui tissait sa saie de la barbe des rois ! le meilleur d’entre eux est bon à pendre ; n’est-ce point ton avis, notre ami ? — ajouta-t-il en s’adressant à l’ermite laboureur, qui, toujours silencieux et rêveur, écoutait. — Dis ? N’est-ce point le devoir de tout fils de la Gaule de courir sus à cette race de rois maudits, comme on court sus à des bêtes enragées ?

— Exterminer les bêtes enragées, c’est bien, — répondit l’ermite, — les empêcher de devenir enragées, c’est mieux…