Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/99

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— Ermite, empêcheras-tu un roi Frank de naître Frank ?

— Il faut l’empêcher d’abord de naître roi, duc, comte ou seigneur, et de se croire ainsi maître des biens et de la vie du commun des gens… Jésus de Nazareth l’a dit : « — L’esclave est l’égal de son seigneur… — de l’égalité parmi les hommes, un jour naîtra leur fraternité ! »

Puis l’ermite laboureur retomba dans sa rêverie silencieuse.

— Deux fois déjà j’ai suivi à la piste ce dernier roi d’Auvergne par droit de pillage et de massacre, — dit Ronan ; — je n’ai pu le joindre ; mais, par Rita-Gaür ! si le Clotaire me tombe sous la main, je le raserai… mais si près, si près des épaules, que sa tête ne repoussera pas…

— Ronan, tu comptes sans les démonstrations de ma rhétorique. J’ai posé les prémisses, maintenant les conséquences ; or, logicè, je vais te prouver que tu ne pourras rien contre Clotaire… Le Seigneur Dieu le protège…

— Ce doux oncle, qui tuait ses neveux à coups de couteau sous les aisselles ?

— Lui-même… toute bonne action ne mérite-t-elle pas sa divine récompense ?

— Certes…

— Or, le Seigneur Dieu, grâce à l’intercession du grand Saint-Martin, siégeant depuis longtemps au paradis, a fait un miracle en faveur de notre doux oncle.

— En faveur de Clotaire ? de ce tueur d’enfants ?

— Oui, le Seigneur a fait un miracle en faveur de Clotaire, de ce tueur d’enfants ; or donc j’avais raison de dire que je prouverais logicè que ce Dieu si paternellement miraculeux envers les scélérats fera certainement quelque petit miracle en notre faveur, à nous, pauvres Vagres…

— Décidément nous avons eu tort de ne point pendre l’évêque.

— Il sera toujours temps d’attirer ainsi sur nous l’attention du