Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 5.djvu/196

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qui porte, comme toi, ces deux mots tracés sur son bras ? » — Malgré l’horreur que m’inspirait ce juif, ces mots ranimèrent en moi l’espérance de retrouver mon fils : — Oui, — ai-je répondu ; — depuis dix ans mon fils a disparu des lieux que j’habitais. — « Et tu habitais la vallée de Charolles ? » — m’a demandé le juif. — Tu connais donc mon fils ? — me suis-je écriée ; mais, cet homme, sans me répondre, s’est éloigné avec un sourire cruel…

— Et depuis, — reprit Septimine, — ne l’avez-vous jamais revu ?

— Jamais ! Les chariots se sont remis en route pour ce pays, où je suis arrivée avec mes compagnes d’esclavage. Toutes ont dû périr par l’inondation de cette nuit, et sans le dévouement de cette courageuse enfant, je perdais aussi la vie…

— Le juif Mardochée, — reprit le vieil orfévre en réfléchissant, — ce marchand de chair gauloise, grand ami de l’intendant Ricarik, est venu depuis peu de jours fort souvent ici ; il se trouvait au couvent de Saint-Saturnin lors de la donation de cette abbaye à votre fils et à ses hommes ; il aura, sans nul doute, pris les devants afin d’avertir l’abbesse, aussi a-t-elle fait ses préparatifs de défense contre les guerriers qui venaient la déposséder.

— Le juif a, en effet, voyagé très-rapidement depuis son départ du couvent de Saint-Saturnin, d’où il m’a emmenée, — reprit Septimine. — Nous n’étions que trois esclaves et lui dans un petit chariot léger, attelée de deux chevaux. Il a dû arriver ici deux ou trois jours avant la troupe du seigneur Berthoald, retardée dans sa marche par ses nombreux bagages.

— Ainsi, le juif aura prévenu Méroflède, lui révélant sans doute que le prétendu chef frank Berthoald était de race gauloise, — reprit Bonaïk ; — de là cette vengeance de l’abbesse, qui a fait jeter votre fils dans ce souterrain, croyant sans doute l’exposer à une mort certaine. Il s’agit maintenant de le sauver, vous aussi, nous aussi ; car rester en ce couvent après l’évasion de votre fils, ce serait exposer à la vengeance de l’abbesse ces pauvres apprentis et Septimine.