tralde est restée seule avec Vortigern en quelque endroit de la forêt.
— Achève !
— Amael, je connais par expérience la facilité des mœurs de cette cour. Thétralde a remarqué votre petit-fils ; elle a quinze ans, elle a été élevée au milieu de ses sœurs, qui ont autant d’amants que son père a de maîtresses. Vortigern a, malgré lui, le pauvre innocent, tourné la tête de Thétralde : ce sont deux enfants ; ils ont disparu ensemble, ils se seront perdus ensemble… car trois des filles de Karl sont retournées au palais, deux autres sont revenues ici. Thétralde seule ne se retrouve pas. Or, si, comme je le crois, elle s’est égarée en compagnie de Vortigern, il est à espérer, aurais-je dit ce matin… il est à craindre, dirai-je ce soir, que…
— Ciel et terre ! — s’écria le vieillard en pâlissant, — tu as le courage de plaisanter !
— Ce matin, j’aurais, je l’avoue, trouvé l’aventure divertissante ; ce soir, elle me paraît redoutable : voici pourquoi : tout à l’heure, l’empereur ordonnant que personne ne le suivît, a piqué des deux vers le pavillon.
— Oui, oui ; c’était, disait-il, afin de rester seul avec ses filles.
— Maudit accès de tendresse paternelle ! Rothaïde et Berthe, filles de Karl, croyant, sans doute, être à l’avance prévenues de son arrivée par le bruit tumultueux de sa chevauchée, avaient gagné les chambres hautes du pavillon, Berthe avec Enghilbert, le bel abbé de Saint-Riquier, Rothaïde avec Audoin, l’un des officiers de l’empereur. Or, les deux couples pleins de sécurité se mirent, les imprudents ! à chanter les litanies de Vénus !
— Quelles mœurs ! quelle cour !
— L’empereur arrive seul, descend de cheval ; les amoureux n’entendent rien. — « Où sont mes filles ? — demande-t-il brusquement au grand Nomenclateur de sa table, qui veillait aux préparatifs du souper… C’est de lui que je tiens ces détails, car, tout à l’heure, transi de froid et mouillé jusqu’aux os, je suis, malgré les ordres de