Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/150

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prélat parler de ce droit infâme des évêques de Laon, qui, avant l’établissement de la commune, avaient le droit d’exiger la première nuit de noces des nouvelles mariées ; exécrable honte dont l’époux parvenait parfois à se rédimer moyennant une somme d’argent.

— Ce vieux bélître d’Amaury n’en faisait point d’autres, — reprit le prélat avec un éclat de rire cynique ; — j’avais beau lui dire : « — Lorsque deux fiancés viennent déclarer à l’église leur prochain mariage, inscrits à part celles des fiancées assez accortes pour que je puisse exiger d’elles l’amoureuse redevance en nature ! » — Mais point. À entendre Amaury, et j’ai devant les yeux une preuve vivante de sa fourberie ou de son aveuglement, presque toutes les mariées étaient des laidrons !

— Heureusement, seigneur évêque, ils sont passés ces mauvais temps-là, — répondit Ancel, contenant à peine son indignation ; — ils ne reviendront plus ces temps où l’honneur des époux et de leurs femmes était à la merci des seigneurs.

— Mon frère, — ajouta l’archidiacre, douloureusement affecté des paroles de l’évêque et s’adressant à Ancel, — croyez-moi, l’Église elle-même rougit de ce droit monstrueux dont jouissent ses prélats lorsqu’ils sont seigneurs temporels.

— Ce que je sais, père Anselme, — répondit judicieusement le talmelier en hochant la tête, — c’est que l’Église ne défend point apparemment aux prélats d’en user de ce droit monstrueux, puisqu’ils en usent.

— Par le sang du Christ ! — s’écria l’évêque de Laon, tandis que l’archidiacre sentait, à regret, qu’il ne pouvait rien répondre au talmelier, — ce droit prouve mieux que tout autre combien la personne du serf, du vilain ou du vassal, non noble, est en la possession absolue, souveraine, de son seigneur laïque ou ecclésiastique ; aussi, loin de rougir de ce droit, l’Église le revendique pour ses seigneuries et le consacre !

L’archidiacre, n’osant contredire son évêque, car son évêque disait