vrai, baissa la tête avec accablement et resta muet. L’échevin reprit avec un mélange de bonhomie narquoise et de fermeté : — Je suis, seigneur évêque, trop ignorant en théologie pour discuter sur l’orthodoxie d’un droit dont les honnêtes gens ne parlent que l’indignation au cœur et la honte au front ! mais, grâce à Dieu, depuis que Laon est une commune affranchie, cet abominable droit-là est aboli comme tant d’autres, tel que celui de prendre le cheval d’autrui sans le payer. Ceci, seigneur évêque, me ramène naturellement à la cause qui m’a conduit céans.
— Donc, tu viens procéder contre moi ?
— C’est mon office, je l’accomplis.
— Allons, parle.
— Il y a une heure, Pierre-le-Renard, métayer de Colombaïk-le-Tanneur, est venu déclarer au maire et aux échevins, assemblés dans l’hôtel communal, que toi, évêque de Laon, tu gardais, contre tout droit, un cheval appartenant audit Colombaïk…
— Est-ce tout ? — demanda l’évêque en riant ; — n’ai-je point commis d’autre péché ?
— Germain-le-Fort, maître charpentier de la Grande-Cognée, assisté de deux témoins, est aussi venu déclarer au maire et aux échevins que, passant devant la porte de l’évêché, il avait été d’abord outragé, puis frappé d’un coup de poignard au bras gauche par Jean-le-Noir, l’un de tes serviteurs.
— Eh bien, seigneur justicier, — dit l’évêque en continuant de rire, — condamne-moi.
— Pas encore, — répondit froidement le talmelier ; — il faut : premièrement instruire l’affaire ; secondement entendre les témoignages ; troisièmement rendre l’arrêt ; quatrièmement l’exécuter.
— Voyons… instruis… va, je serai patient… je suis curieux de voir jusqu’où ira ton audace.
— Mon audace est celle d’un homme honnête qui accomplit son devoir.