Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/176

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d’artisans courant tous, avec enthousiasme, à la défense de la commune. — Avoue-le, — dit Fergan à l’envoyé, peu de temps avant d’arriver à la porte de la ville, — tu t’attendais à rencontrer ici une lâche obéissance aux ordres du roi et de l’évêque ? Mais tu le vois, ici comme à Beauvais, comme à Cambrai, comme à Noyon, comme à Amiens, le vieux sang gaulois se réveille après des siècles d’esclavage. Rapporte fidèlement à Louis-le-Gros et à Gaudry ce dont tu as été témoin en traversant cette ville ; peut-être, en ce moment suprême, reculeront-ils devant la monstrueuse iniquité qu’ils méditent ; c’est notre dernière espérance ; car de grands désastres seraient épargnés à cette cité, qui ne demande qu’à vivre paisible et heureuse au nom de la foi jurée.

— Je n’ai aucune autorité dans les conseils de mon seigneur le roi, — répondit tristement le messager ; — mais, j’en jure Dieu ! je ne m’attendais pas à voir ce que j’ai vu, à entendre ce que j’ai entendu. Je raconterai fidèlement le tout à mon maître.

— Le maire de notre commune te l’a dit : Le roi des Français, nous le savons, est puissant en Gaule… la cité de Laon n’est forte que de son bon droit et du courage de ses habitants. Elle attend ses ennemis, et, tu le vois, elle est sur ses gardes, — ajouta Fergan en lui montrant une troupe de milice bourgeoise qui, par mesure de prudence, occupait depuis la veille les remparts voisins de la porte par laquelle sortit l’homme du roi. Le palais épiscopal, fortifié de tours et d’épaisses murailles, était séparé de la ville par un grand espace planté d’arbres servant de promenade. Fergan et son fils organisaient le transport des matériaux destinés à la défense des murailles en cas d’attaque, lorsque le carrier vit au loin s’ouvrir la porte extérieure de l’évêché ; puis plusieurs hommes d’armes du roi, ayant regardé de çà de là, avec précaution, comme pour s’assurer que la promenade était déserte, rentrèrent précipitamment dans l’intérieur du palais. Bientôt après, une forte escorte de cavaliers reparut se dirigeant vers la route qui conduit aux frontières de Picardie ; cette