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Républiques et avaient formé autant de petits États dans les limites de l’ancienne juridiction municipale. La lutte, dont ces institutions furent le résultat, avait été vive, laborieuse et longue, elle avait duré tout un siècle. Elle est indubitablement, dans le Midi, le fait le plus grave et le plus intéressant du XIIIe siècle. » (Fauriel. — Introduction à l’Histoire de la croisade contre les hérétiques albigeois, écrite en vers provençaux par un poëte contemporain de la croisade. P. LVIII.)

Tel était donc l’état du Languedoc lorsqu’il fut envahi par l’armée de la Foi. Certes, les horreurs des premières croisades semblent dépasser les limites du possible, et cependant la guerre contre les Albigeois vous paraîtra, je le crois, chers lecteurs, peut-être plus épouvantable encore si vous songez que ses innombrables victimes étaient, comme leurs bourreaux, fils de notre mère-patrie. Maintenant, jugez à l’œuvre le clergé de ce temps-là. Voici quelques citations d’ouvrages contemporains de cette guerre religieuse ; plusieurs sont écrits par des prêtres.

Des gestes glorieux des Français (de l’an 1202 à 1311).

«… L’an du Seigneur 1208, le jour de la fête de sainte Madeleine, l’armée des croisés venant de la Gaule contre les hérétiques Albigeois, s’empara de la ville de Béziers et la livra aux flammes. On tua, dans la seule église de sainte Madeleine, jusqu’à 7000 hérétiques (p. 335). Le carnage dura deux jours ; il y périt plus de soixante mille personnes. » (Hist. gén du Languedoc, L. XXI, ch 57, p. 169)

Chronique de Pierre, moine de Vaulx-Cernay (dédiée au pape Innocent III)

«… Les nôtres s’emparent de Beziers. Que dirai-je ? sitôt entrés ils égorgèrent presque tout, du plus petit jusqu’au plus grand, et livrèrent ensuite la ville aux flammes (p. 54.)

»… Il fut tué plus de sept mille hérétiques dans la seule église de Sainte-Madeleine (p. 54).

» Après le siége de Carcassonne, tous les habitants s’échappèrent pendant la nuit, n’emportant rien que leurs péchés (p. 58).

» Après la prise du château de Minerve, où furent livrés au feu grand nombre d’hérétiques, le vénérable abbé de Vaulx-Cerney, qui était au siége avec le comte de Montfort, qui embrassait la cause du Christ avec un zèle unique, ayant appris qu’une multitude d’hérétiques étaient assemblée dans certaines maisons de la ville, alla vers eux pour les ramener à la foi catholique : mais eux l’interrompant lui répondirent tous d’une voix : — Pourquoi venez-vous nous prêcher de paroles ? nous avons abjuré l’Église romaine, et plutôt mourir que de renoncer à notre secte. — À ces mots ce vénérable abbé sortit de cette maison et se rendit à une autre, où les femmes étaient tenues prisonnières. Il leur offrit le verbe de la sainte prédication ; or, s’il avait trouvé les hommes endurcis et obstinés, il trouva les femmes plus obstinées encore et plus endurcies. — Or, comme ni le vénérable abbé ni le comte de Monfort lui-même n’obtinrent rien de ces hérétiques, il les fit extraire du château de Minerve, et un grand feu ayant été préparé, cent quatre-vingt ou plus y furent jetés ensemble. — Il ne fut besoin, pour bien dire, que les nôtres les portassent au bûcher ; car, obstinés dans leur méchanceté, tous se précipitaient de gaieté de cœur dans les flammes (p. 98.).

»… Le noble comte de Montfort, après la prise du château de Lavaur ordonna de pendre Aymeri et quatre-vingts autres hérétiques ; mais quand Aymeri fut pendu, les potences, qui par la trop grande hâte n’avaient pu être suffisamment enfoncées en terre, étant venues à tomber, le comte voyant le grand délai qui s’en suivait, ordonna qu’on tuât par le glaive les autres hérétiques. Les soldats de la Foi s’en saisirent donc très-avidement et les occirent bien vite sur la place : de plus, Montfort fit jeter dans un puits la dame de Lavaur, sœur d’Aymeri, après quoi elle fut écrasée de pierres. Finalement nos croisés, avec une allégresse extrême, brûlèrent à Lavaur des hérétiques sans nombre (p. 145).

»… L’un des premiers exploits de Simon de Montfort fut de faire crever les yeux à cinquante prisonniers qu’il avait fait sur les Albigeois ; il laissa un œil à un seul de ces infortunés pour les conduire. » (Potter, Hist du Chr., t. III, p 201, vol. VI)

Histoire de la guerre des Albigeois, poëme contemporain de la croisade (publiée par M Fauriel).

«… C’est pour cela que les hérétiques de Béziers furent si cruellement traités. — On ne pouvait leur faire pis. — On les égorgea tous. — On égorgea jusqu’à ceux qui s’étaient réfugiés dans la cathédrale. — Rien ne put les sauver ni croix, ni crucifix, ni autel. — Tout fut tué,— les femmes, les enfants. — Il n’en échappa, je crois, pas un seul. — Jamais, depuis le temps des Sa rrasins,— si fier carnage ne fut, je pense, résolu et exécuté (ch. XXI, vers 490 à 500, p. 37).

»… En dedans Lavaur était maint chevalier, — dom Aymeri, le frère de dame Guiraude, dame du Château y était aussi. — Mal lui prit d’être hérétique, — car jamais, dans la chrétienté, — si haut baron ne fut, je crois, pendu — avec tant d’autres chevaliers à ses côtés — de chevaliers, il en fut là pendu plus de quatre-vingts, — à ce que m’a dit un clerc. — Quant aux hérétiques de la ville, on les rassembla au nombre de quatre à cinq cents. — ils furent brûlés et grillés, — sans y comprendre dame Guiraude, — les croisés la jetèrent dans un puits et l’écrasèrent de pierres, — dont ce fut dommage et pitié — car, sachez pour vrai, — que jamais pauvre en ce monde ne quitta Giraude sans en avoir été secouru. — Ce fut à la sainte Croix de mai, en été, — que Lavaur fut détruit comme je vous le conte — » (p, 118, vers 1545 à 1560).