Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/279

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s’empêcher de sourire des paroles du jongleur, et leur dit : — Saisi, désarmé, garrotté, malgré ma résistance, par les hommes d’escorte des deux moines, j’ai été, avec mon compagnon, conduit chez Raoul de Montjoire. L’un des moines lui a dit : « Ces deux hérétiques ont eu l’audace, l’un, de chanter une chanson outrageante pour les prêtres du Seigneur, et l’autre, de prendre la défense du chanteur ; je te somme, au nom de l’Église catholique, de faire justice de ces deux scélérats. — Pardieu, moine, je te remercie, a répondu Raoul ; — tu ne pouvais m’amener de meilleurs hôtes. » — Puis, s’adressant à ses gens : — « Ça, mes amis, que l’on délivre de leurs liens ces braves contempteurs de l’Église de Rome, cette moderne Babylone souillée de rapines et de sang. »

Aimery. — Oh ! je connais Raoul… il ne pouvait tenir un autre langage.

Mylio. — Aussitôt dit que fait ; on nous délivre, et le sire de Monjoire ajoute, en montrant la porte au moine : « — Hors d’ici, et au plus tôt, suppôt de Rome, vil Romieu, méchant Romipède !… » tu n’es pas ici en France, où les tonsurés commandent en maîtres ! — Détestable ensabbatté ! hérétique damné ! — s’écrie le moine furieux en sortant et menaçant Raoul — Tremble ! le jour du courroux céleste est arrivé !… Bientôt vous serez tous écrasés dans votre nid d’hérésie, race de vipères hérésiarques ! »

La dame de Lavaur. — L’audace de ces moines révolterait, si l’on ne savait l’impuissance de leur haine.

Mylio. — Le jour est venu, madame, où, malheureusement, la haine des prêtres est redoutable.

Karvel. — Que veux-tu dire ? 


Mylio. — J’ai voyagé presque jour et nuit pour devancer une nouvelle qui, je le vois, n’est pas encore parvenue jusqu’à vous, et qui explique l’insolence des paroles adressées à Raoul par ce moine.

Aimery. — Que s’est-il donc passé de nouveau ?

Mylio. — Le pape Innocent III a donné l’ordre à tous les évêques