Mylio serre Karvel sur son cœur ; Morise et Florette partagent la silencieuse émotion des deux frères, et n’entendent pas les ronflements de Peau-d’Oie, dont le sommeil devient de plus en plus profond et bruyant.
Morise, s’adressant à Mylio. — Ainsi, frère, vous voilà pour toujours revenu près de nous ?
Mylio. — Oh ! pour toujours… N’est-ce pas, Florette ?
Florette. — Ma volonté sera la vôtre, Mylio ; mais il m’est doux de m’y conformer, lorsque je suis accueillie avec tant de bonté par vos chers parents.
Mylio. — Pourtant, frère, si tu approuves mon projet, il me faudra bientôt te quitter pendant quelques jours.
Morise. — Quoi ! déjà ? L’entendez-vous, Florette, ce méchant ?
Florette, souriant. — Ou Mylio m’emmènera avec lui, ou il me laissera près de vous ; quoi qu’il arrive, je ne saurais être que contente.
Karvel. — Quel est donc ton projet, cher frère ?
Mylio. — M0n sincère amour pour Florette a mis terme aux égarements de ma jeunesse ; ton indulgence, celle de Morise, jettent un voile sur le passé ; mais enfin, je le sais, j’ai mal usé de ces facultés de poésie dont le hasard m’a doué ; pourquoi ne les emploierais-je pas désormais utilement, vaillamment ! Frère, tu l’as lu comme moi, dans les légendes de notre famille : jadis les Bardes gaulois excitaient le courage des combattants ; et plus tard, lors des temps désastreux de la conquête romaine, les Bardes soulevaient par leurs chants patriotiques, le peuple des Gaules contre le conquérant étranger… Ah ! crois-moi, frère, cet héroïque bardit du Chef-des-cent-vallées : — « Tombe, tombe, rosée sanglante… » — a armé plus d’un bras contre les Romains !
Karvel. — Je comprends ta pensée… Bien ! bien ! Mylio… Oui, ce serait noblement user du talent de poëte que Dieu t’a donné.
Mylio. — L’Église fait prêcher par ses moines l’extermination de