Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/285

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ce pays ; nous, trouvères, comme jadis les bardes gaulois, nous soulèverons par nos chants les peuples contre les fanatiques imbéciles et féroces qui menacent notre liberté, notre vie !

Morise. — Cette pensée est généreuse et grande !

Mylio. — Tenez, tout à l’heure, la dame de Lavaur a, par deux fois, répété quelques mots qui m’ont arraché des larmes : l’avez-vous entendue dire en pleurant et en embrassant son fils : — « Quel mal leur avons-nous donc fait à ces prêtres, mon pauvre enfant ? »

Florette. — Ah ! Mylio, comme ces paroles m’ont fait pleurer !

Mylio. — C’est qu’elles sont vraies et navrantes, ces paroles échappées au cœur d’une mère. Oui, quel mal a-t-on fait en ce pays, à ces prêtres implacables ?

Un monstrueux ronflement de Peau-d’Oie, toujours endormi, retentit au milieu du silence de quelques instants qui a suivi les dernières paroles de Mylio ; il se retourne, et voyant le profond sommeil du vieux jongleur, il dit à Karvel en souriant : — Frère, j’ai oublié jusqu’ici de te parler de mon compagnon de voyage.

Morise. — Je ne sais pourquoi, malgré son air sérieux, il me donne envie de rire ?

Karvel. — Ce pauvre homme est peut-être attristé de ce que, tout à l’heure, et assez à propos, Mylio l’a arrêté au plus bel endroit de sa paraphrase sur la liberté : Que l’habit ne fait pas le moine.

Mylio. — Mon compagnon est jongleur, c’est te dire, Karvel, que ses chants grossiers, fort goûtés dans les cabarets, sont peu faits pour des oreilles délicates ; aussi, j’avais prévenu Peau-d’Oie, c’est son nom, que chez toi il devait s’observer dans ses paroles ; de là son embarras, et son obstination à se donner une apparence vénérable… Je te demande ton indulgence… Accordez-lui la vôtre aussi, Morise, il y a quelque droit, par le véritable attachement qu’il m’a souvent témoigné.

Karvel. — Tout bon cœur mérite indulgence et amitié, frère…