Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/310

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terrible ; je cours chercher l’abbé Reynier, par ordre de la comtesse, afin qu’il donne à monseigneur les derniers sacrements.

À peine l’écuyer est-il sorti, qu’un homme d’armes entre et dit à Lambert de Limoux : — Seigneur, je vous amène l’hérétique de Lavaur que j’ai, par votre ordre, attendu à nos avant-postes.

Lambert de Limoux. — Qu’il vienne ! qu’il vienne !… Il ne saurait arriver plus à propos.

Hugues de Lascy. — Livrer la vie de Montfort à ce damné !… y songes-tu ?

Lambert de Limoux. — Je vais le conduire auprès d’Alix de Montmorency. Elle seule avisera dans cette grave circonstance.

L’homme d’armes rentre bientôt avec Karvel-le-Parfait ; sa physionomie est empreinte de sa sérénité habituelle ; il tient à la main une petite cassette.

Lambert de Limoux, à Karvel. — Suis-moi, je vais te conduire auprès d’Alix de Montmorency.




Vous voyez la chambre occupée par Simon, Comte de Leicester et de Monfort-l’Amaury. Il est couché ; une peau d’ours étendue sur son lit découvre à demi son buste à la fois osseux et herculéen ; sa tête repose sur un coussin. Si le comte était tonsuré, on croirait voir la figure ascétique d’un moine macéré par les plus dures austérités ; au lieu de chemise, il porte sur la peau un rude cilice de crin, et à son cou pendent plusieurs reliques. Il a quarante-cinq ans environ ; son teint est bronzé par le soleil de la Palestine, où il a guerroyé récemment encore ; ses yeux caves, brillant d’un éclat fiévreux, luisent comme des charbons ardents, au fond de leur sombre orbite. Ses lèvres desséchées laissent échapper une respiration sifflante, saccadée. Sa large poitrine halète, et de temps à autre se soulève aussi péniblement que si un poids énorme l’écrasait. Alix de Montmorency, agenouillée au