Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/335

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L’abbé Reynier, d’une voix tonnante. — Hérétiques endurcis, l’Église vous livre au bras séculier ! que votre supplice frappe vos pareils d’une terreur salutaire !

Le prévôt de l’armée, au roi des ribauds. — Fais ton office… Tu laisseras un œil à ce vieillard qui a parlé pour les autres, il servira de guide à la bande.

Le bourreau et ses gens saisissent au hasard l’un des prisonniers, c’est un jeune homme, ils le garrottent sur le siége de l’échafaud, pendant que le bourreau court à son réchaud.

L’hérétique, aux aides du bourreau. — Qu’allez-vous me faire ?

Un aide. — Te crever les deux yeux, païen ! et à tes compagnons aussi !

L’hérétique, épouvanté. — Oh ! la mort... par pitié, la mort plutôt que cette torture ! (Il tâche en vain de briser ses liens et se tord convulsivement, en criant :) — À moi, mes frères ! au secours !… on veut nous crever les yeux à tous !

Les prisonniers se tournent vers Montfort. — Ce supplice est affreux ! fais-nous plutôt brûler, égorger ou pendre ! — Grâce !

Montfort, d’une voix caverneuse. — Pas de grâce ! Votre âme aveugle est fermée à la lumière divine ! les yeux de votre corps vont être à jamais fermés à la lumière du jour ! 


Un hérétique, dont les dents claquent de terreur. — Seigneur, moi et plusieurs de mes compagnons nous abjurons, nous voulons être catholiques. Pitié… pitié !

L’abbé Reynier. — Il est trop tard, la peur et non la foi dicte vos paroles !

Le jeune hérétique garrotté sur l’échafaud est vigoureusement maintenu par deux aides du bourreau ; celui-ci s’approche du patient, qui pousse des cris horribles et clôt machinalement ses paupières avec force ; mais d’un coup de son fer rouge et aigu, le bourreau transperce les paupières et le globe de chaque œil. Le sang et la fumée sortent des orbites… Les hurlements de la victime deviennent