Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/347

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mort étouffé sous le poids des cadavres ! Faut-il donc que le prudent exemple qu’il m’a donné en faisant le mort, lors de la chute des potences, n’ait profité qu’à moi !… Hélas ! après la mort de Florette, de mon frère et de sa femme, l’amitié du vieux jongleur m’eût été douce… Quittons cet horrible lieu : la vie me reste. Oh ! j’en jure Dieu ! cette vie, je l’emploierai à venger la mort de Florette, de mon frère et de mon compagnon !… Il reste encore des hommes et des armes en Languedoc ! (Mylio, en parlant ainsi, s’est levé debout. Il écoute et regarde encore autour de lui.) Personne… La porte de l’esplanade est ouverte, fuyons !… mais, avant de m’éloigner, je veux toucher une dernière fois la main glacée de mon vieil ami. Jamais je ne l’oublierai ! son dévouement pour moi a causé sa mort… Où est-il ?… Ah ! le voici à demi caché par ces deux cadavres, la face sur le sol et ses bras repliés sous lui. (Mylio se baisse tristement pour prendre une des mains du vieux jongleur.)

Peau-d’oie, relevant la tête. — Corbœuf ! moi vivant, j’ai entendu mon oraison funèbre !… Tu l’as prononcée, Mylio… et elle nous fait honneur à tous deux, mon brave ami !

Mylio. — Joie du ciel !… tu n’es pas mort !… Quoi ! tu m’entendais, et tu restais muet ?…

Peau-d’oie. — Par prudence d’abord… Et puis, j’étais curieux de savoir ce que tu dirais de défunt le vieux Peau-d’Oie. Aussi, je suis tout glorieux d’apprendre que tu m’aimais encore… même après mon trépas. Et maintenant, quels sont tes projets ?

Mylio. — Cette nuit, je quitte Lavaur après être allé chercher un coffret précieux pour moi : il a été déposé par mon pauvre frère en un lieu sûr chez Julien-le-Libraire ; ensuite je rejoindrai nos frères qui ont pris les armes. J’ai fait le serment de venger Florette, mon frère et sa femme… Quant à toi, mon bon compagnon, je… (Mylio s’interrompt ; il a heurté du pied les tenailles de fer qui ont servi à martyriser Karvel-le-Parfait.) Qu’est-ce que cela ?… Un instrument de torture laissé là par le bourreau… (Il ramasse les tenailles et les