Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/346

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quatre-vingt hérétiques garrottés les massacrent à coups de lances et d’épées ; le carnage dure jusqu’à la nuit noire, et lorsque les soldats du Christ ont entassé cadavres sur cadavres, l’abbé Reynier se retire, accompagné du clergé, tandis que le chœur des moines chante à pleine voix :

Dies iræ, dies illa,
Crucis expandens vexilla
Solvet sæclum in favilla.




La lune, brillant d’un radieux éclat au milieu du ciel étoilé, inonde de ses clartés l’esplanade du château de Lavaur, alors déserte ; à gauche, fils de Joel, vous voyez la citerne, au fond de laquelle dame Giraude et son fils ont été jetés, puis écrasés à coups de pierres ; à quelques pas de là, gisent les corps des malheureux qui n’ont pu survivre au supplice de l’aveuglement. Parmi ces corps est celui de Florette, toujours évanouie, mais dont le sein se soulève péniblement ; sa tête, appuyée sur une pierre, est éclairée en plein par la lune. À l’extrémité de l’esplanade, quelques lueurs rougeâtres, semblables à celles d’un brasier qui s’éteint, s’échappent par intervalles des profondeurs du fossé où ont été brûlés les hérétiques ; enfin, à droite du balcon est dressée la potence à laquelle pend le cadavre d’Aimery. Non loin de là sont amoncelés les cadavres de ceux qui ont échappé à la corde pour tomber sous le fer des soldats de la foi. aucun bruit ne trouble le silence de la nuit ; l’un des corps gisants sur le sol se soulève peu à peu sur son séant : c’est Mylio.

Mylio écoute, regarde avec précaution autour de lui, et appelant à demi-voix : — Peau-d’Oie !… il n’est resté aucun soldat ici… ne crains rien… il n’y a pas de danger, te dis-je !… De l’endroit où je suis, je découvre l’esplanade depuis le fossé jusqu’à la citerne… je ne vois pas un soldat. Peau-d’Oie !… réponds-moi donc ?… (Mylio ajoute avec chagrin :) Pas de réponse ?… Ah ! le malheureux ! il sera