Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dents la lame de ton couteau sur le plat ; après quoi, tourne-la sur le tranchant : tu écarteras suffisamment les mâchoires pour pouvoir y fourrer tes doigts. — Pendant que Trousse-Lard continuait ses abominables recherches en suivant les conseils du roi des truands, celui-ci dit avec un ricanement féroce : — Ah ! Sarrasins mécréants, vous avez la malice de cacher dans le creux de vos joues, voire même d’avaler bysantins et pierreries, afin de soustraire ces richesses aux soldats du Christ ; mais notre sainte Église l’a dit : — Les biens du pécheur appartiennent à l’homme juste. Et…

— Rien, — dit le sénéchal avec déconvenue en interrompant le roi des truands, — rien dans les bajoues, rien sous la langue.

— Tu as soigneusement fouillé ?

— Oh ! j’ai fouillé et refouillé partout ; peut-être durant le combat de cette nuit, un croisé fin renard aura-t-il, en homme d’expérience, serré le cou de ce Sarrasin au moment où il expirait, et lui aura-t-il fait ainsi cracher l’or qu’il cachait dans sa bouche ; à moins que ce chien n’ait avalé le tout.

— Le scélérat en est capable ; donc, fouillons le gosier, après le gosier nous fouillerons la poitrine et le ventre. — Ainsi dit, ainsi fait ; ces deux monstres se livrèrent sur ce cadavre à une épouvantable boucherie. Leur cupidité féroce fut satisfaite, et après des profanations qui soulèvent le cœur de dégoût et d’horreur, ils retirèrent des entrailles sanglantes du cadavre trois diamants, un rubis et cinq besans d’or, petites pièces très-épaisses, mais à peine de la dimension d’un denier. Pendant que les deux truands achevaient leur carnage, des nuages d’une fumée noire, épaisse, nauséabonde, s’élevèrent d’un bûcher dressé proche de là, par les autres truands, avec des branchages de chêne vert et de térébinthe, bois dont la combustion est très-prompte ; ceux-là, au lieu d’éventrer les cadavres, les brûlaient, afin de chercher parmi leurs cendres l’or et les pierreries, que les Sarrasins pouvaient avoir avalés. Ces monstruosités accomplies, les truands allèrent à une source voisine laver leurs corps