Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/67

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rougis de sang, reprirent leurs vêtements ou les complétèrent avec la dépouille des Sarrasins ; puis, se partageant le poids du butin, habits, armes, turbans, chaussures, ils se dirigèrent vers la porte d’Agra, voisine de la brèche. Au moment d’entrer dans la ville, le roi de ces bandits, montant sur un monceau de décombres, dit à ses hommes, qui se groupèrent autour de lui : « — Truands, mes fils et bien-aimés sujets ! nous allons entrer dans Marhala, butin sur le dos, bysantins en poche ; j’entends, je veux, j’ordonne au nom de la sainte Trinité, du vin, des dés et des ribaudes, qu’avant de quitter Marhala nous soyons redevenus aussi gueux que des truands que nous sommes ; n’oubliez jamais notre règle : « Un vrai truand, vingt-quatre heures après le pillage du butin, ne doit posséder que sa peau et son couteau. » Car, celui-là qui garde un denier pour le lendemain devient froid à la curée et indigne du beau nom de truand ; il est chassé de mon royaume !

— Oui, oui, vive notre roi ! vivent le vin, les dés et les ribaudes ! — répondirent les bandits. — Au diable le truand qui, riche aujourd’hui, garde pour demain autre chose que sa peau et son couteau ! »

Et la troupe féroce, chantant et hurlant, se dirigea vers la porte d’Agra, pour entrer dans la ville de Marhala.




Fergan-le-Carrier, heureusement soustrait à la fureur des convives du duc d’Aquitaine par l’attaque imprévue des Sarrasins, avait profité du tumulte pour s’échapper du palais de l’émir avec Jehanne et Colombaïk. Pendant que les croisés couraient aux remparts de la porte d’Agra, le serf se dirigea avec sa femme et son enfant, loin du lieu du combat, qui dura une heure environ. Le calme s’étant rétabli dans Marhala peu de temps avant l’aube, Fergan, avisant l’une de ces nombreuses tavernes ordinairement établies après la prise des villes dans quelques maisons sarrasines par les gens qui suivaient