Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/86

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légendes et des reliques de notre famille ; je savais que Gildas, frère de Bezenecq-le-Riche, possédait les chroniques de notre race qui remontaient jusqu’à l’invasion de la Gaule par César, et moi je possédais les écrits de nos aïeux : Eidiol, le nautonnier parisien et Yvon-le-Forestier. Peut-être un jour je pourrais joindre à ces chroniques le récit de mes souffrances et de celles des miens durant la terrible oppression féodale, et raconter aussi ce dont nous avons été témoins pendant cette croisade, l’un des crimes les plus monstrueux de l’Église catholique ! Ces récits, ajoutés à l’histoire de notre famille à travers les âges, augmenteraient peut-être l’horreur de nos descendants pour les prêtres de Rome et leurs éternels complices, les rois et seigneurs héritiers de la conquête franque. J’ai donc regardé comme un devoir sacré l’obligation de tout tenter pour retourner en Gaule, afin de me rendre dans la cité de Laon, auprès de notre parent Gildas-le-Tanneur. Ce n’est pas tout : depuis notre arrivée en Syrie, j’avais souvent entendu raconter par de nouveaux arrivants que, poussées à bout par les atrocités féodales, les populations de plusieurs grandes villes, plus éclairées, plus hardies que la pauvre plèbe rustique, commençaient à s’agiter ; un grand nombre de seigneurs croisés, tombant dans le piége tendu par l’Église à leur cupidité, à leur ambition et à leur hébêtement crédule, avaient cédé à vil prix leurs domaines et leurs droits aux évêques et aux abbés. Ceux-ci, plus fourbes et aussi despotes que les seigneurs, mais moins habitués qu’eux à la bataille, n’inspiraient pas autant de terreur par leurs armes ; l’on parlait de l’insurrection de plusieurs grandes cités de la Gaule contre les évêques et les abbés, maîtres de ces villes. Peut-être ces révoltes des bourgeoisies amèneraient-elles les révoltes des serfs des campagnes ; et alors, qui sait si le soulèvement devenant général contre l’Église, les seigneurs et la royauté, il ne luirait pas enfin ce beau jour prédit par Victoria-la-Grande ? où la Gaule redevenue libre foulerait d’un pied vainqueur la couronne des rois et la tiare des papes ? — Oh ! fils de Joel, qu’il soit prochain ou éloigné ce