Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/135

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la galerie, s’ouvrit, et un grand nombre d’officiers du palais, de prélats et de seigneurs, entrèrent précipitamment ; ils avaient jusqu’alors attendu dans une salle voisine le lever du régent, et ils accouraient éperdus en criant : — Le Louvre est envahi par le peuple !… Marcel est à la tête d’une bande de meurtriers ! Sauvez le régent !

Presque au même instant les courtisans virent apparaître au fond de la galerie aboutissant à la chambre royale, Marcel accompagné d’une foule compacte armée de piques, de haches et de coutelas. Ces hommes, bourgeois ou artisans de Paris, ne poussaient plus aucun cri ; l’on n’entendait que le piétinement de leurs pas sur les dalles de la galerie. Le silence de cette foule armée semblait plus redoutable que les clameurs qu’elle poussait naguères. À sa tête s’avançait le prévôt des marchands, calme, grave et résolu ; un peu derrière lui marchaient Guillaume Caillet armé d’une pique, Rufin-Brise-Pot tenant une masse d’armes, et Mahiet-l’Avocat l’épée à la main. Pendant le peu d’instants que Marcel mit à traverser la galerie, ces courtisans éperdus tinrent à mots rompus une sorte de conseil ; mais aucun de ces avis confus et précipités ne prévalut ; le régent resta caché dans les rideaux de son lit, ainsi que le seigneur de Norville ; la majorité des courtisans, pâles et tremblants, mais que le respect humain empêchait de fuir, se pressèrent dans la partie la plus reculée de la chambre, tandis que Conrad de Nointel et son ami, moins scrupuleux, ayant trouvé moyen de se rapprocher de la seconde porte qui donnait sur un autre appartement, s’esquivèrent prudemment.

Marcel, en se présentant au seuil de la chambre royale, ne trouva prêts à en défendre l’accès que les deux maréchaux l’épée à la main. Mais, en ce moment suprême, soit que l’aspect du prévôt des marchands leur en imposât, soit qu’ils reconnussent l’inutilité d’une lutte mortelle pour eux, ils abaissèrent leurs épées.

— Où est le régent ? — demanda Marcel d’une voix haute et ferme, — je désire lui parler ; il n’a rien à craindre de nous.