Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/279

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tence, ainsi que je l’ai su de lui et de mon père, n’offrit d’ailleurs aucun événement important. Mon aïeul, ne pouvant plus, par suite d’une grave blessure, exercer son métier de champion, ouvrit, sans trop d’opposition de la part des prêtres de Vaucouleurs, une école où il enseignait à lire aux enfants. Le produit de cet enseignement, ajouté à son petit patrimoine, lui permit d’élever sa famille, composée de mon père et de ses deux sœurs, que nous avons perdues. Les jours de mon aïeul s’écoulèrent assez paisibles, ainsi que les nôtres ; car, sauf l’attaque de quelques bandes d’aventuriers, facilement repoussés par nous à l’abri de nos murailles, Vaucouleurs et toute la rive gauche de la Meuse jusqu’à Domrémy n’eurent pendant près d’un demi-siècle aucunement à souffrir des ravages des Anglais ; ils désolaient l’intérieur de la Gaule, mais ne se hasardaient pas dans nos contrées, éloignées du centre de la guerre. Malheureusement, vers le mois de juillet de l’année 1494, après la bataille de Verneuil, perdue par Charles VII, des troupes nombreuses d’Anglais, venant renforcer les garnisons qu’ils tenaient en Champagne, envahirent notre vallée, jusqu’alors si tranquille ; après des luttes acharnées, héroïques, les habitants, malgré l’infériorité de leur nombre, et souvent guidés par mon aïeul, bon du moins pour le conseil et dont le grand âge n’affaiblissait pas l’énergie, les habitants repoussèrent plusieurs fois l’ennemi. Mon père fut tué lors de la dernière de ces attaques ; il était né en l’année 1368, environ dix ans après le mariage de mon aïeul avec Denise, nièce d’Étienne Marcel. En mémoire de ce grand homme, mon père reçut le nom d’Étienne. Denise mourut en lui donnant le jour. Il témoignait dès son adolescence un goût très-vif pour l’art du dessin ; il apprit le métier de dessinateur et de peintre en figures sur vitraux, et j’ai embrassé l’industrie de mon père. Je suis né en l’année 1399 ; mon père est mort en 1424, âgé de cinquante-six ans Mon aïeul Mahiet-l’Avocat d’armes, à la suite de l’histoire de sa vie de 1359 à 1126 (fragment du manuscrit égaré), a cru devoir brièvement instruire notre descendance des événements