Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/281

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ont été exigées de nouveau, et le seront encore de siècle en siècle après quelque soulèvement populaire. Ainsi pas à pas, d’âge en âge, notre race, fils de Joel, marchant intrépidement, opiniâtrément à sa délivrance, verra luire enfin le grand jour de l’affranchissement de la Gaule, prédit par Victoria-la-Grande... à notre aïeul Scanvoch.

Fils de Joel, pas de défaillance ! regardez derrière vous le chemin déjà parcouru, l’esclavage n’a-t-il pas depuis longtemps fait place au servage ? Le serf a souffert et souffre encore dans son âme, dans sa chair, dans l’âme, dans la chair de sa famille ; mais du moins il n’est plus vendu comme un vil bétail, conduit, parqué en troupeaux humains du nord au midi de la Gaule, ainsi qu’il en était aux premiers temps de la conquête franque, alors que vivaient nos pères Karadeuc-le-Bagaude et Ronan-le-Vagre ; les terribles représailles de la Jacquerie ont frappé la noblesse d’une terreur salutaire : la crainte rendra les seigneurs moins cruels pour leurs vassaux. Donc, courage, fils de Joel, songez au progrès accompli ; instruits par le passé, soyez pleins de foi dans l’avenir.

Le supplice de Marcel et de ses partisans, le massacre des Jacques, empirèrent les malheurs de la Gaule ; mais du moins les paysans, en courant sus aux seigneurs à coups de faux, de fourches, de haches, apprirent à manier ces armes rustiques, et souvent et rudement en usèrent depuis contre les Anglais, mieux que la chevalerie n’usait de la lance et de l’épée. À ce propos, conservez pieusement, fils de Joel, les noms obscurs de deux de ces héros laboureurs échappés au carnage des Jacques. L’un se nommait Guillaume-aux-Alouettes ; l’autre, le Grand-Ferré. Ils s’étaient retranchés avec d’autres paysans et leur famille dans un lieu assez fort, voisin de Compiègne, afin de se soustraire aux rapines des Anglais. Ceux-ci, campés à Creil, crurent n’avoir qu’à paraître pour chasser Jacques Bonhomme de sa retraite ; mais il avait fauché, haché, enfourché tant de seigneurs casqués et cuirassés, qu’il craignait moins les gens d’armes anglais ; il soutint bravement leur choc. Guillaume-aux-Alouettes, chef des