Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/284

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s’amusant fort en Angleterre, y demeurait toujours quoique racheté au prix d’une rançon écrasante pour son peuple. Ce prince, digne de sa race, mourut à Londres d’indigestion en 1364. Son fils, duc de Normandie et régent, lui succéda sous le nom de Charles V, dit le Sage ou l’Astucieux ; perfide, dissimulé, cruel, avide d’argent, grand ami des rhéteurs, des astrologues et des procureurs, ce roi quittait rarement son hôtel de Saint-Paul, à Paris, et son château de Vincennes, où il s’enfermait, soigneusement gardé, de crainte du populaire. Cependant Charles V, ainsi que le prévoyait Étienne Marcel, fut forcé, par la marche irrésistible et progressive des choses, d’opérer une partie des réformes imposées à la royauté par la révolution de 1357. L’œuvre immortelle du génie patriotique du prévôt des marchands, teinte de son généreux sang et de celui de ses partisans, porta ses fruits, et devait dans l’avenir en porter encore davantage.

En 1378, Charles V voulut conquérir la Bretagne, berceau de notre race, dont notre aïeul Vortigern fut l’un des derniers défenseurs, et que son fils Gomer dut quitter, il y a plusieurs siècles, pour venir habiter d’autres provinces de la Gaule, où les événements ont fixé notre famille depuis cette époque. Hélas ! vous le savez, fils de Joel, l’Armorique, si longtemps libre, choisissant ou révoquant ses chefs, façonnée à l’indépendance par les mâles enseignements des druides, avait enfin subi le double joug de l’Église de Rome et de la féodalité. Les seigneurs et les prêtres asservissaient ce peuple jadis si jaloux de sa souveraineté, ainsi que l’étaient dans l’antiquité toutes les provinces des Gaules indépendantes l’une de l’autre, mais puissamment fédérées entre elles. Cependant les rois francs n’avaient pu réunir la Bretagne à leur domaine ; les ducs bretons prêtaient seulement foi et hommage lige à la royauté, mais régnaient de fait. Donc, en 1378, Charles V, apprenant le détrônement de Jean IV, duc de Bretagne, chassé par ses sujets, crut l’occasion favorable pour s’emparer de cette province. Il avait pris à sa solde et nommé connétable de France Bertrand Duguesclin, grand homme de guerre, mais traître à sa