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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/287

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sion étrangère par une vierge plébéienne des frontières de la Lorraine, et descendue d’un bois de chêne, bois vénéré des druides. Cette prophétie du barde armoricain devait s’accomplir ; oui, vous verrez la pauvre bergère de Domrémy, Jeanne-la-Pucelle, inspirée par l’antique légende bretonne, devenue populaire en ce pays-ci, chasser les Anglais hors de nos frontières et, expiant sa gloire par le supplice, mourir dans les flammes d’un bûcher, ainsi qu’est morte notre aïeule, Hêna, la vierge de l’île de Sèn !

Ô fils de Joel, pour juger de la grandeur du service rendu à la patrie par Jeanne Darc, pour juger de la lâche et ignoble ingratitude du roi frank envers l’héroïque plébéienne à qui ce prince dut sa couronne, pour juger de la haine, de la jalousie féroce des gens de cour et des gens de guerre du conseil royal, ligués avec les évêques de Rome, afin de livrer Jeanne-la-Pucelle aux flammes du bûcher ; oui, pour juger la monstruosité de ces actes, il vous faut connaître les nouveaux désastres sous lesquels gémit notre malheureux pays depuis 1380, où mourut Charles V, jusqu’en 1429, où Jeanne la guerrière porta un coup mortel à la domination anglaise dans les Gaules.

Charles V, mort en 1380, laisse son fils Charles VI en bas âge ; les ducs de Bourgogne, de Berry et d’Orléans composent le conseil de régence, sous la présidence du duc d’Anjou, forcené larron qui, durant l’agonie de Charles V, s’était benoîtement emparé des trésors du mourant. Le duc d’Anjou, d’une cupidité insatiable, veut, en manière de don de joyeux avénement, frapper de nouvelles taxes sur les Parisiens ; mais l’esprit révolutionnaire n’était pas mort avec Marcel. Le peuple, à la suite de ses funestes défaillances, se réveille, et, le 15 novembre 1380, il s’assemble sur la place du Parloir-aux-Bourgeois, en face le Châtelet ; Jean Morin, cordonnier (n’oubliez pas ce nom, fils de Joel) appelle aux armes les corps de métiers. Trois cents hommes courent aux piques, aux bâtons, mettent à leur tête Jean Culdoe, prévôt des marchands, se rendent au palais, somment le