Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/309

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» Repousser un appui donné par Dieu serait une erreur qu’on ne commettra pas, je l’espère.

» Dans tous les cas, ma plume a été guidée, j’ai entendu des voix, j’en entends encore ; des idées fécondes et lumineuses prennent vie continuellement sur mon papier. je n’ai pas encore le droit, suivant les hommes, de produire ces enseignements au grand jour ; mais devant le ciel, mon devoir est de croire qu’une révélation ne saurait périr dans une impasse. ...............................Victor Hennequin. »

Donc, M. Victor Hennequin, aujourd’hui, en plein dix-neuvième siècle, a entendu des voix divines lui dicter un livre destiné à sauver le genre humain, de même Jeanne Darc entendait des voix qui lui conseillaient aussi de sauver la France en la délivrant du joug des Anglais !

S’ensuit-il qu’il y ait miracle ? action directe, personnelle de la Divinité à l’endroit de M. Victor Hennequin ?

Vous ne pouvez, non plus que nous, chers lecteurs, le penser. M. Victor Hennequin est simplement sujet à l’un de ces phénomènes d’hallucination dont il est question dans les auteurs que nous venons de citer, phénomènes auxquels sont souvent sujets les hommes les plus remarquables par la puissance de leur esprit, par la fermeté de leur intelligence, dit le docteur Mueller, en citant à l’appui de son affirmation : Socrate, Aristote, Spinosa, Cardan, Goëthe. La concordance est frappante. Il se peut que M. Victor Hennequin écrive un livre très-éloquent sous la dictée des voix qu’il croit entendre, qu’il entend ; mais qui ne sont que l’écho extérieur de la voix interne de ses convictions.

Nous croyons avoir rationnellement établi que Jeanne Darc, par suite de graves désordres jetés dans son organisation physique vers l’âge de treize à quatorze ans, devint désormais sujette à des hallucinations, durant lesquelles la jeune fille croyait voir, ou plutôt voyait, entendait des saintes lui disant : « Tu sauveras la France, tu chasseras l’étranger, tu rendras à ton roi sa couronne. »

Enfin notre récit vous démontrera jusqu’à la plus complète évidence, chers lecteurs, qu’en raison d’un étrange concours d’événements politiques, de circonstances résultant de son naturel, de ses habitudes, de son caractère, des tendances de son esprit, de son éducation, de son entourage, et même de la localité de sa demeure, Jeanne Darc devait être singulièrement prédisposée à ces hallucinations. Parmi ces prédisposants, il est mention d’une légende très-populaire, dont, enfant, elle avait été pour ainsi dire bercée ; cette légende, attribuée à Merlin, barde gaulois du sixième siècle, prédisait que la Gaule, perdue par une femme, serait sauvée par une vierge des marches (frontières) de la Lorraine et d’un bois chesnu (de chênes) venue…