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Or, la famille Darc habitait Domrémy, village des frontières de la Lorraine et voisin d’un vieux bois de chênes.

Le miraculeux, nous l’espérons, a en partie disparu de la vie de notre héroïne ; la cause toute matérielle, toute physiologique de ses visions, de ses révélations, est connue, constatée, expliquée. C’est beaucoup à notre point de vue rationaliste ; mais cela ne suffit point… Abordons la seconde question.




du génie militaire de Jeanne Darc.

Ici encore, l’on a invoqué le surnaturel, afin d’expliquer un fait en apparence inexplicable. L’on n’a pu croire humainement possible qu’une pauvre paysanne de dix-sept ans, quittant les champs paternels pour prendre le commandement d’une armée, ait pu, sans miracle, devenir l’un des plus fameux capitaines de son siècle.

Et d’abord, ainsi que vous le verrez dans notre récit, chers lecteurs, Jeanne Darc n’était pas, tant s’en faut, étrangère aux choses militaires, lorsqu’elle partit de Domrémy pour aller faire lever le siége d’Orléans ; elle vivait depuis trois ans au milieu des sanglantes péripéties d’une guerre acharnée. À cette rude école des batailles, fructifia, se développa le germe du génie militaire dont Jeanne était douée, comme tant d’hommes obscurs devenus un jour généraux illustres, comme Marceau, comme Hoche, ces deux héros républicains dont la gloire rayonne d’un éclat si pur… Comme eux aussi, Jeanne Darc, enflammée du plus ardent patriotisme, ressentait une sainte horreur de l’étranger, qui tant de fois avait, sous ses yeux, mis à feu, à sac et à sang la vallée où elle était née. Enfin, comme Hoche et Marceau, comme les volontaires de cette époque immortelle… 1792 !… Jeanne ne voyait pas dans l’état de chef de guerre (ainsi que l’on disait alors) un sanguinaire et lucratif métier ; mais l’accomplissement du plus sacré des devoirs : chasser l’ennemi du sol de la patrie.

En un mot, ainsi que Hoche et Marceau, Jeanne Darc, par son courage, par son patriotisme, par son génie militaire, remporta d’éclatantes et surtout de fécondes victoires. Or, a-t-on jamais attribué les admirables faits d’armes des deux généraux républicains à quelque intervention miraculeuse ? Pourquoi ne pas admettre cette réalité si simple, si humaine : à savoir, que Jeanne Darc était née grand capitaine, de même que, de nos jours, de pauvres pâtres ignorants sont nés grands géomètres, grands artistes ?

Ajoutons enfin que la vocation militaire de Jeanne Darc était universellement reconnue par ses contemporains ; ils voyaient en elle beaucoup moins l’inspirée que la guerrière pratique. Les textes que