Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parmi les vassaux du domaine ; j’y suis resté par amitié pour Guillaume.

Mazurec, pendant l’entretien de ses deux parrains, était arrivé avec ceux-ci près de la tente où il devait prêter les serments d’usage, ainsi que le chevalier de Chaumontel. Le curé de Nointel, vêtu de ses habits sacerdotaux et tenant à la main un crucifix, dit au serf et au chevalier :

Appelant et appelé, ne fermez pas les yeux sur le péril où vous exposez vos âmes en combattant pour une mauvaise cause ; si l’un de vous veut se rétracter et se remettre à la merci de son seigneur et du roi, il le peut encore ; mais bientôt il ne sera plus temps. Vous allez, l’un ou l’autre, voir tout à l’heure les portes de l’autre monde ; là vous trouverez assis un Dieu impitoyable au parjure. Appelant et appelé, songez-y. Tous les hommes sont également faibles devant la justice de Dieu, car l’on n’entre point armé dans le royaume éternel. Voulez-vous vous rétracter ?

— Je soutiendrai jusqu’à la mort que ce chevalier m’a volé ; il est cause de mes malheurs, — répondit Mazurec avec une rage concentrée ; — si le bon Dieu est juste, je tuerai cet homme !

— Et moi, je jure Dieu que ce vassal ment par sa gorge et me diffame outrageusement, — s’écria le chevalier de Chaumontel ; — je prouverai son imposture par l’intercession du Seigneur et de tous ses saints, notamment par le bon secours de messire saint Jacques, mon bienheureux patron.

— Oui, et surtout par le bon secours de ton cheval, de ton armure, de ta lance et de ton épée, — ajouta Mahiet. — Infamie ! combattre à cheval, casque en tête, cuirasse au dos, épée au côté, lance au poing, un pauvre homme à pied, armé d’un bâton. Oui, tu agis comme un triple lâche. Ergò, tout lâche doit être larron ; ergò, tu as volé la bourse de mon client !

— Oser me parler ainsi ! — s’écria le chevalier de Chaumontel ; — toi, mauvais routier ! méchant truand !

— Joies du ciel ! des injures, — s’écria Mahiet-l’Avocat avec ravis-