Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/74

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— Votre procès… mais je n’ai pas plaidé.

— Vous avez sans plaider gagné ma cause.

— Moi ! et comment cela ?

— Ce matin, lorsque vous êtes revenu chercher votre cheval pour vous rendre au tournoi, Simon-le-Hérissé sortait de sa maison au moment où vous passiez. « Voisin, — lui ai-je dit, — je n’avais pu jusqu’ici trouver un champion, maintenant j’en ai un. — Et où est-il ce beau champion ? m’a répondu Simon d’un ton goguenard. — Tenez, lui ai-je dit, le voyez-vous ? c’est ce grand jeune homme qui passe là monté sur ce cheval bai. — Simon-le-Hérissé a couru sur vos pas, et après vous avoir attentivement regardé des pieds à la tête, il est revenu l’oreille basse et m’a dit : — Tenez, voisine, je vous donne trois florins, et soyons quittes. — Non, voisin, vous me rendrez mes douze florins, sinon vous aurez affaire à mon avocat ; si ce n’est aujourd’hui ce sera demain. » — Au bout d’un quart d’heure, Simon-le-Hérissé, devenu doux comme miel, m’apportait mes douze florins ; en voilà donc trois pour vous, messire Avocat.

— Je n’ai pas plaidé, je n’ai rien à recevoir de vous, chère hôtesse, sinon un baiser d’amitié que vous me donnerez en tenant mon étrier.

— Oh ! de grand cœur, messire Avocat, — répondit cordialement Alison ; — on embrasse ses amis, et je suis certaine que maintenant vous avez pour moi un peu d’affection.

Lorsque Phœbus eut mangé sa provende et Mahiet endossé par-dessus son armure une épaisse cape de voyage, il revint dans la salle basse, s’approcha de Mazurec, et lui dit avec émotion : — Courage et patience… embrasse-moi… Je ne sais pas pourquoi je sens qu’un autre intérêt que celui de tes malheurs m’attache à toi… avant peu j’aurai éclairci mes doutes et je reviendrai ; — puis, s’adressant à Aveline-qui-n’a-jamais-menti : — Adieu ! pauvre enfant ; vos espérances sont détruites, du moins il vous reste un compagnon de cha-