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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/109

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jeanne, avec une douceur angélique. — Dieu me préserve de répandre le sang !… j’ai horreur du sang !… Je ne veux tuer personne ; je ne porterai à la guerre qu’un bâton ou un étendard, pour guider les gens d’armes… je laisserai toujours mon épée au fourreau.

maître éraut. — En supposant que notre assemblée déclare au roi, notre sire, qu’il peut, en sûreté de conscience, vous confier des hommes d’armes afin que vous tentiez de faire lever le siége d’Orléans, quels moyens emploieriez-vous pour arriver à ce but ?

jeanne. — Afin d’éviter, s’il est possible, l’effusion du sang, je sommerai d’abord les Anglais, de par Dieu qui m’envoie, de lever le siége d’Orléans et de retourner dans leur pays ; s’ils refusent d’obéir à ma lettre, je marcherai contre eux à la tête de l’armée royale, et, avec l’aide du ciel, je les bouterai hors de la Gaule !…

l’évêque de chartres, avec dédain. — Tu veux écrire aux Anglais, et tu viens de nous dire que tu ne savais ni A ni B ?

jeanne. — Je ne sais écrire, mais je saurais dicter.

l’évêque de chartres. — Je te prends au mot. Voici des plumes, un parchemin ; je serai ton secrétaire… Voyons, dicte-moi ta lettre aux Anglais ; ce sera, sur ma foi, d’un beau style !

Un grand silence se fait. L’évêque, triomphant, prend la plume, croyant avoir tendu un piége dangereux à la pauvre fille des champs, incapable, selon lui, de dicter une lettre à Ia hauteur des circonstances ; les partisans de Jeanne eux-mêmes, quoique très-irrités du mauvais vouloir de l’évêque contre elle, craignent de la voir succomber à cette nouvelle épreuve.


l’évêque de chartres, ironiquement. — Allons, Jeanne, me voici prêt à écrire sous ta dictée…

jeanne. — Écrivez, messire.

Et la Pucelle dicte d’une voix douce et ferme la lettre suivante :

« Au nom de Jésus et de Marie,

» Roi d’Angleterre, faites raison au roi du ciel, remettez à Jeanne les clés de toutes les bonnes villes que vous avez forcées ; elle