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couper la route de Saint-Loup, de le repousser et de l’empêcher de prendre les Français à revers. Ce plan, développé avec une entente de la guerre dont les capitaines jaloux et rivaux de la Pucelle restèrent eux-mêmes confondus, fut adopté ; l’on convint que les troupes seraient prêtes à marcher au point du jour.


journée du mercredi 4 mai 1429.


Jeanne, assurée de combattre le lendemain, dormit, durent la nuit du mardi au mercredi, d’un sommeil paisible comme celui d’un enfant, tandis que Madeleine demeura presque constamment éveillée, en proie à une douloureuse inquiétude, pensant, non sans effroi, que sa compagne devait, au point du jour, livrer une bataille meurtrière. L’aube venue, Jeanne s’éveilla, fit sa prière du matin, invoqua ses bonnes saintes, puis Madeleine l’assista pour s’armer. Tableau touchant et charmant ! l’une de ces deux jeunes filles, délicate et blonde, soulevait péniblement les pièces de l’armure de fer dont elle aidait sa virile amie à se revêtir, lui rendant ce service avec une inexpérience dont elle souriait elle-même à travers ses larmes, qu’elle contenait de son mieux, songeant aux dangers prochains qui menaçaient la guerrière !

— Il faut m’excuser, Jeanne, j’ai plus l’habitude de lacer ma gorgerette de lin qu’un gorgerin de fer, — disait Madeleine ; — mais avec le temps, je saurai, je l’espère, vous armer aussi promptement que le ferait votre écuyer. Vous armer !… mon Dieu ! je ne puis prononcer ce redoutable mot sans pleurer !… Il est donc vrai, vous allez ce matin à l’assaut ?

— Oui ; et s’il plaît à Dieu, Madeleine, nous chasserons d’ici ces Anglais qui ont causé tant de dommages à votre bonne ville d’Orléans et au pauvre peuple de France !

La guerrière, ce disant, venait de boucler les courroies de ses jambards par-dessus ses chausses en peau de daim, dont la ceinture des-