Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/137

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matin le convoi dans Orléans ; tantôt, nous attaquerons et prendrons la bastille, avec l’aide de Dieu.

L’avis de la Pucelle parut sage. Elle monte à cheval, et, accompagnée du sire de Villars, se dirige vers l’hôtel de ville, où l’échevin Jamet du Tilloy l’a précédée en hâte, faisant sur sa route appeler la milice aux armes, lui donnant rendez-vous à la porte de Bourgogne, sous la conduite des dizainiers et des quarteniers ; les chefs de guerre se rendent cette fois, sans conteste, à la volonté de Jeanne, fortement appuyée par les échevins. Bientôt elle sort par la porte de Bourgogne, à la tête d’environ deux mille hommes demandant à grands cris le combat, impatients de venger leurs défaites, transportés d’ardeur à la vue de la guerrière chevauchant avec une grâce militaire sur son blanc coursier, tenant à la main sa bannière. À peu de distance de la bastille de Saint-Loup, véritable forteresse, renfermant une garnison de plus trois mille hommes, Jeanne avait pris le commandement de l’avant-garde, chargée d’éclairer la marche de la colonne ; mais, soit terreur superstitieuse causée par la présence de la Pucelle, qu’ils reconnaissaient de loin à sa blanche armure et à son étendard, soit qu’ils attendissent le convoi pour sortir de leurs retranchements et l’attaquer, les Anglais se tinrent à l’abri de la redoute, se bornant à envoyer aux gens d’Orléans quelques volées de traits, quelques boulets d’artillerie, qui blessèrent peu de monde. Cette hésitation de l’ennemi, ordinairement si audacieux, augmente la confiance des Français ; ils laissent la bastille derrière eux, rencontrent vers Saint-Laurent un poste avancé chargé de couvrir le convoi stationnaire ; les soldats de son escorte, à la vue d’un renfort venu d’Orléans sans obstacle de la part des Anglais retranchés dans leur bastille, attribuent ce succès à la divine influence de la Pucelle ; leur espoir redouble. Le maréchal de Saint-Sever, frappé de la réussite de l’entreprise, due à la prompte décision de Jeanne, craignait cependant, non sans vraisemblance, que l’ennemi eût à dessein laissé passer les Français sans les inquiéter afin de les assaillir avantageu-