Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/138

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sement à leur retour, gênés qu’ils seraient dans leur manœuvre, dans leur marche, par les charrois considérables et les bestiaux du convoi dont ils formaient l’escorte.

— Allons hardiment ! — répliqua Jeanne, — notre assurance imposera aux Anglais ; s’ils sortent de leur redoute, nous les combattrons ; s’ils ne sortent pas, nous conduirons le convoi à Orléans. Après quoi nous reviendrons tantôt attaquer leur bastille, et nous les vaincrons, de par Dieu !

Ces paroles, prononcées d’une voix ferme, entendues par quelques soldats, redites par eux de rang en rang, exaltent l’enthousiasme de la troupe ; l’on se met en route pour Orléans, les charrettes et le bétail placés au centre de la colonne, Jeanne à la tête d’une forte avant-garde, résolue de soutenir le premier choc de l’ennemi ; mais il ne parut pas. L’on sut plus tard, de l’aveu de plusieurs prisonniers anglais, que leurs chefs, comprenant quelle influence décisive le bon ou mauvais résultat du premier combat livré à la Pucelle devait avoir sur le moral de leurs troupes, déjà fort ébranlé par les merveilleux récits dont elle était l’objet, voulaient la vaincre à tout prix, et lui offriraient la bataille dans de telles conditions, qu’ils auraient presque la certitude du triomphe ; de là leur inertie lors du passage du convoi, qui entra sans coup férir dans Orléans, au grand réconfort des habitants et des miliciens, fanatisés par ce premier succès de la Pucelle. Voulant mettre à profit leur élan, elle se proposait de repartit à l’instant, afin d’aller attaquer la bastille de Saint-Loup ; les capitaines lui firent observer que leurs hommes avaient besoin de manger, mais qu’elle serait prévenue du moment de l’assaut. Elle se rendit à ces raisons, retourna chez Jacques Boucher, se réfectionna, selon son habitude, avec un peu de pain et de vin trempé d’eau, fit délacer sa cuirasse, se jeta sur son lit, à demi armée, afin de se reposer en attendant le moment de l’assaut, et s’endormit ; l’imagination frappée des événements du jour, elle rêva bientôt que les troupes marchaient sans elle à l’ennemi. La pénible impression