ils redoublent d’efforts pour s’emparer de l’église. Deux madriers énormes, manœuvrés comme des béliers par vingt hommes à la fois, ébranlent la porte massive bardée de fer, malgré les traits des Anglais ; les mourants, les blessés, sont à l’instant remplacés par leurs compagnons. Jeanne, intrépide, debout près d’eux, sa bannière à la main, les encourage de la voix et du geste, échappant à la mort, grâce à l’excellence de la trempe de son armure. Enfin la porte cède sous les coups réitérés des poutres, elle tombe au dedans de l’église ; mais une bombarde intérieurement placée en face du portail vomit, avec une détonation terrible, une décharge de balles d’artillerie et de morceaux de fer sur les assaillants. Bon nombre sont mortellement atteints ; les autres se précipitent dans la vaste et sombre basilique, où s’engage de nouveau un combat opiniâtre, sanglant. Il se poursuit de marche en marche, dans l’escalier de la tour, jusque sur la plateforme découronnée de sa toiture, du haut de laquelle les Anglais sont précipités dans l’espace ; enfin, au moment où le soleil rougissait de ses derniers rayons les eaux paisibles de la Loire, l’étendard de Jeanne flottait au sommet de l’église, aux cris mille fois répétés des vainqueurs :
— Noël ! Noël à la Pucelle !
La victoire gagnée, l’ivresse de la bataille dissipée, l’héroïne redevint la jeune fille remplie de tendre commisération pour les vaincus. En descendant du clocher, où sa valeur l’avait pour ainsi dire emportée à son insu, elle pleura[1], voyant les marches, rougies de sang, disparaître à demi sous les cadavres ; elle supplia les soldats de cesser le carnage, d’épargner les prisonniers. Parmi ceux-ci se trouvaient trois capitaines ; espérant échapper à la mort, ils avaient, pendant l’assaut du clocher, endossé des habits sacerdotaux oubliés dans un coin de la sacristie depuis que les Anglais s’étaient emparés de l’église de Saint-Loup. On trouva ces trois faux clercs réfugiés au
- ↑ Voir pour ce fait et les précédents, Chronique de la Pucelle, p. 220-224 ; ap. J. Quicherat, t. IV, et le Journal du siége déjà cité.