Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clairons sonnent, les cloches résonnent ; cris de joie ! chants de victoire !

» — La vierge guerrière reçoit des mains de l’ange de lumière la couronne royale.

» — Un homme agenouillé, portant long manteau d’hermine, est couronné par la vierge guerrière.

» — Peu importe ce qui arrive…

» — Ce qui doit être sera !…

»— La Gaule, perdue par une femme, est sauvée par une vierge des marches de la Lorraine, d’un bois chesnu venue. »




Jeannette, suspendue aux lèvres de Sybille, ne l’interrompit pas et écouta cette mystérieuse prophétie avec une émotion croissante ; son imagination, impressionnable et vive, se figurait la vierge de Lorraine revêtue de sa blanche armure, montée sur son blanc coursier, bataillant au milieu d’une forêt de lances, et, ainsi que le disait le chant prophétique, chevauchant sur le dos des archers. Puis, la guerre terminée, l’étranger vaincu, l’ange éclatant de lumière… (Saint Michel, sans doute, pensait la bergerette, qui, chaque dimanche, voyait à sa paroisse la fière statue de l’archange)… puis, l’étranger vaincu, l’ange éclatant de lumière, tenant la couronne royale, la donnait à la guerrière ; et, au bruit des clairons, des cloches, des chants de victoire, elle rendait sa couronne au roi… Et ce roi, quel pouvait-il être ? sinon le gentil dauphin de qui la mère avait causé les malheurs de la France !… Il ne venait pas à la pensée de la bergerette qu’elle serait un jour la vierge guerrière prophétisée par la légende ; mais le cœur de la naïve enfant battait de joie en songeant qu’elle serait Lorraine, la libératrice de la Gaule !

— Oh ! merci, marraine, de m’avoir conté cette belle légende ! — dit Jeannette, les larmes aux yeux et se jetant au cou de Sybille. —