Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/240

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» Une certaine femme, vulgairement appelée Jeanne-la-Pucelle, a été prise et faite prisonnière à Compiègne, dans le ressort de notre diocèse de Beauvais, par des soldats de notre très-chrétien et sérénissime maître Henri VI, roi d’Angleterre et des Français.

» Ladite femme étant, à nos yeux, véhémentement soupçonnée d’hérésie, et notre devoir étant de lui intenter un procès en matière de foi, nous avons requis et exigé qu’icelle femme nous fût livrée et envoyée ; nous, évêque, instruit par la clameur publique des faits et gestes de ladite Jeanne, faits et gestes attentatoires, non seulement à notre foi, mais à celle de la France et de la chrétienté tout entière, voulant, en cette matière, procéder avec diligence, mais avec maturité, nous avons décrété que ladite Jeanne serait appelée par-devant nous et interrogée sur ses faits et gestes, ainsi que sur des propositions concernant la foi, et l’avons citée à comparoir devant nous, dans la chapelle du château de Rouen, cejourd’hui, 20 février 1431, à huit heures du matin, afin qu’elle eut à répondre aux accusations portées contre elle. » (Le promoteur se rasseoit.)

l’évêque pierre cauchon. — Introduisez l’accusée.

Deux appariteurs vêtus de robes noires sortent de la chapelle et rentrent un moment après, amenant Jeanne Darc entre eux deux. La guerrière, jadis si résolue, si sereine en ces jours de combat où, revêtue de sa blanche armure, chevauchant sur son ardent cheval de bataille, elle marchait aux ennemis, son étendard déployé ; la guerrière frissonne de peur à la vue de ce tribunal de prêtres à demi cachés dans l’ombre de la chapelle, laissant à peine apercevoir leurs traits sous leurs cagoules, muets, immobiles, ressemblant à des fantômes noirs ; elle se rappelle les paroles, les conseils du chanoine Loyseleur, dont elle est loin de soupçonner la présence parmi ses juges. Le souvenir de ces paroles, de ces conseils, la rassure et l’effraye à la fois ; le chanoine, en lui donnant le moyen d’échapper aux pièges qu’elle doit redouter, l’a prévenue que le tribunal était d’a-