mettez-vous donc à l’Église ; tant plus vous craignez la mort, tant plus vous devez vous amender.
jeanne darc. — Si mon corps meurt en prison, je vous demande pour lui la terre sainte… si vous me refusez, je m’en réfère à Dieu, qui m’a toujours inspirée…
l’évêque cauchon. — Voilà une parole bien grave… Vous vous en référez, dites-vous, à Dieu ?… Mais entre vous et Dieu, il y a son Église…
jeanne darc. — N’est-ce pas tout un… Dieu et son Église ?…
l’évêque cauchon. — Apprenez, ma chère fille, qu’il y a l’Église triomphante, où se trouvent Dieu, les saints, les anges, les âmes sauvées ; il y a, en outre, l’Église militante, composée de notre saint-père le pape, vicaire de Dieu sur la terre, des cardinaux, des prélats, des prêtres et de tous les catholiques, laquelle Église est infaillible, en d’autres termes, ne peut jamais errer, jamais se tromper, guidée qu’elle est par la divine lumière du Saint-Esprit ! Voilà, Jeanne, ce que c’est que l’Église militante. Voulez-vous vous en rapporter à son jugement ?… voulez-vous, oui ou non, nous reconnaître pour vos juges, nous, membres de l’Église militante ?
jeanne darc se souvient des conseils du chanoine : plus de doute, on lui tend un nouveau piège ; sa méfiance s’accordant avec sa foi naïve, elle répond aussi fermement que le lui permet sa faiblesse. — Je le répète, je suis venue vers le roi pour le salut de la France, de par Dieu et ses saintes !… À cette Église-là… (avec un geste sublime) celle de là-haut !… je me soumets en tout ce que j’ai fait et dit !…
l’évêque cauchon, cachant à peine sa joie. — Ainsi, vous ne voulez pas absolument accepter le jugement de l’Église militante sur vos paroles et vos actes ?
jeanne darc. — Je m’en rapporterai à cette Église si elle n’exige pas de moi l’impossible.
l’inquisiteur. — Qu’entendez-vous par là ?
jeanne darc. — Renier ou révoquer les visions que j’ai eues de