Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/283

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Dieu m’a inspirée… oui, j’attends tout de lui et rien de personne… Oui, Dieu est mon seul juge, mon seul maître !

Jeanne Darc, épuisée par le dernier effort, retombe sur la paille de son brancard au milieu du profond silence des juges-prêtres ; ils se réunissent en un groupe dont l’évêque Cauchon forme le centre ; ils se consultent à voix basse avec lui pendant quelques instants, puis le prélat, s’approchant de Jeanne Darc, lui dit d’une voix éclatante, avec un geste de malédiction :

— Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! nous, Pierre, évêque de Beauvais, par miséricorde divine, nous te déclarons blasphématresse, sacrilège, invocateresse de démons, apostate et hérétique ! nous te frappons d’excommunication majeure et mineure ; nous te déclarons à jamais retranchée du corps de notre sainte mère l’Église et t’abandonnons au bras séculier, qui demain brûlera ton corps et jettera tes cendres au vent !… Amen !

les prêtres-juges, d’une seule voix. — Amen !

jeanne darc, sublime : — C’est votre jugement !… j’attends avec confiance celui de Dieu !…

Les geôliers remportent l’accusée dans son cachot.


Le 24 mai 1431, vers les huit heures du matin, par un radieux soleil de printemps, une foule considérable se presse aux abords du cimetière de l’abbaye de Saint-Audoin, à Rouen ; un mur à hauteur d’appui entoure ce lieu de sépulture. Un échafaud assez élevé, composé d’une vaste plate-forme où sont disposés plusieurs sièges recouverts de housses violettes, est dressé dans l’intérieur et près de l’entrée de ce cimetière. Des soldats anglais, casqués et cuirassés, la lance au poing, forment une haie et contiennent le populaire ; il semble dans l’impatiente attente d’un grand événement.

Qu’attend-il donc, ce populaire ?

Il attend Jeanne Darc ; elle doit, sur cet échafaud, à la face de