Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/332

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taillé dans du bois vert, afin qu’il puisse résister longtemps à l’action du feu.

un bourreau, indiquant à Jeanne Darc le petit escalier. — Tu vas monter par là, sorcière !… tu ne redescendras plus !

frère isambard. — Je vous accompagnerai jusqu’à la fin, ma chère fille.

Jeanne Darc gravit lentement, difficilement les échelons de l’escalier, embarrassée dans les plis de sa robe, et arrive au faîte du bûcher. Une immense clameur s’élève du sein de la foule à la vue de la vierge des Gaules, ainsi exposée aux regards de tous ; puis un grand silence se fait.

jeanne darc, d’une voix forte. — Dieu seul a inspiré mes actions ! gloire à Dieu !…

Des huées, des imprécations furieuses couvrent la voix de la condamnée ; le cardinal de Winchester, les évêques, les juges-prêtres, les capitaines, se lèvent spontanément, afin de mieux jouir de la vue du supplice… Après l’avoir placée debout adossée au poteau, l’un des bourreaux enserre Jeanne Darc de la ceinture, l’autre du carcan de fer ; une chaîne assujettit ses jambes, elle n’a de libre que ses mains, dont elle tient la croix de bois grossière façonnée par le boucher anglais, et de temps à autre elle la presse de ses lèvres. À ce moment, un prêtre en surplis portant l’un de ces grands crucifix d’argent que l’on promène aux processions, arrive en hâte et se place assez loin du bûcher, en tenant cette croix aussi élevée que possible ; c’est celle que frère Isambard a envoyé quérir. Il la montre à Jeanne Darc ; elle tourne la tête de ce côté autant que le lui permet son collier de fer, et ne quitte plus des yeux l’image du Christ.


un bourreau, à frère Isambard. — Allons, mon révérend, ne restez pas là, ça va flamber.

frère isambard. — Dans un instant… je vous suis…

le bourreau, à part. — Je vais te faire descendre plus vite que ne le voudras, mon révérend !