Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/333

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Les deux bourreaux abandonnent la plate-forme du bûcher ; le moine donne à Jeanne Darc les suprêmes consolations ; elle les cherche ailleurs et plus haut… dans sa conscience et dans le ciel !

Soudain un pétillement sec, vif, crépite à la base du bûcher, d’où s’échappent quelques bouffées de fumée.


jeanne darc, avec anxiété. — Mon père, descendez ! descendez vite ! le feu est au bûcher !

Tel est le sublime adieu de la victime à l’un de ses juges !

Le moine descend en hâte l’escalier, en jetant un regard courroucé aux bourreaux ; ceux-ci, à l’aide de leurs torches, allument en plusieurs endroits à la fois la paille et les fagots imprégnés de bitume et de soufre. Aussitôt des flots de noire fumée tourbillonnent dans les airs et dérobent Jeanne Darc aux regards de la foule ; le feu a d’abord brillé, couru, serpenté, à travers les couches inférieures du bûcher, bientôt toutes s’embrasent, la nappe de flammes monte, monte, avivée par le vent, qui chasse le nuage des premières vapeurs ; elles se dissipent… l’on voit Jeanne Darc sortir de leurs limbes… Déjà le feu gagne la paille et les sarments de vigne entassés sur l’étroite plateforme où reposent ses pieds, ses vêtements fument… Enserrée dans les trois cercles de fer qui, par le cou, par la ceinture, par les jambes, l’attachent au poteau, elle se tord de douleur et jette ce cri déchirant : 


De l’eau !… de l’eau !…

Puis, regrettant ce vain appel à la pitié arraché par la torture de son corps, elle exclame :

Dieu m’a inspirée !…


Mais la robe de Jeanne Darc prend feu, devient une des mille flammes de cette fournaise, d’où s’élance enfin vers le ciel ce cri poussé par une voix, dont l’accent n’a plus rien d’humain : 


Jésus ! !

La vierge des Gaules a expié sa gloire immortelle !

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