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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/334

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Les flammes ont diminué d’intensité, elles s’affaiblissent, elles s’éteignent, elles sont éteintes… Un épais brasier entoure la base du pilier de maçonnerie, servant de centre au bûcher ; l’on voit à son sommet, fixés par les liens de fer au poteau carbonisé, l’on voit, debout encore, des débris noirâtres… informes… sans nom…

Deux bourreaux appliquent une échelle au flanc du massif de pierre, montent sur son faîte à peine refroidi, abattent à coups de hache la poutre où sont enchaînés les restes de celle qui fut Jeanne Darc, et, à l’aide de crocs de fer, précipitent le tout du haut de la plate-forme au milieu du brasier ; d’autres bourreaux couvrent ces débris d’un nouvel amoncellement de fagots. De grandes flammes jaillissent encore ; et lorsque rien ne flambe plus, rien… l’on découvre un amas de cendres rouges, mêlées çà et là d’ossements calcinés… entre autres un crâne… Cendres et ossements sont mis par les bourreaux dans un coffre de bois, le coffre est placé sur un brancard, et ils s’en vont, suivis d’un grand concours de peuple, poussant des cris de joie sauvage, jeter au vent de la Seine les cendres de l’ange sauveur de la France !

Seulement alors le cardinal, les évêques, les capitaines, les prêtres-juges, quittent processionnellement, comme ils y étaient venus, la place du Vieux-Marché de Rouen… ils se sont repus du supplice de Jeanne Darc, la justice de ces hommes de cour, de guerre et d’Église est satisfaite.


Vers la fin du martyre de Jeanne Darc, moi, Mahiet-l’Avocat d’armes, j’ai été témoin d’un fait étrange. Mon petit-fils était venu me rejoindre, rapportant le couteau du boucher ; nous nous tenions sur un banc de pierre voisin de la porte de notre hôtellerie, nous avions près et au-dessous de nous un prêtre ; encapé dans son froc et sa cagoule noire, il avait paru assister avec indifférence au sup-