bientôt elle se releva, rappelée à elle-même par la voix de sa mère lui criant :
— Vite, vite, Jeannette, aide-moi à empaqueter ces hardes ! sauvons-nous ! les Anglais vont venir tout piller… tout tuer ici !… Sauvons-nous, mes enfants !…
— Nous sauver… mais où cela ? — dit Jacques Darc. — Nous pouvons rencontrer les Anglais sur la route… et c’est courir au-devant du danger !
— Restons ici, mon père, — reprit Jean, — et défendons-nous… Je l’ai déjà dit, c’est encore le meilleur parti à prendre…
— Mais nous sommes sans armes ! — s’écria Pierre ; — et ces brigands sont armés jusqu’aux dents !
— Que faire ? — reprenaient alors le laboureur et ses fils, — que faire ?… Seigneur Dieu, ayez pitié de nous ! secourez-nous !…
Isabelle n’écoutait, n’entendait ni son mari, ni ses fils ; elle ne songeait qu’à fuir à tout prix, courant çà et là dans la chambre, afin de s’assurer qu’elle ne laissait rien de transportable, ne pouvant se résigner à l’abandon de ses ustensiles de ménage en cuivre et en étain, si soigneusement fourbis par elle et étalés sur le dressoir, où ils brillaient comme de l’or et de l’argent.
Jeannette, à la suite d’un moment de frayeur et de défaillance, se leva, essuya ses yeux du revers de sa main, aida sa mère à empaqueter les objets épars sur le sol, et, s’élançant à la porte, contempla au loin les derniers reflets de l’incendie, qui rougissaient encore l’horizon dans la direction du château de l’Ile et du village de Saint-Pierre ; puis, après un instant de réflexion, elle revint vers Jacques Darc, et, guidée par son bon sens, dit d’une voix assurée : — Mon père, nous n’avons qu’un refuge… le château de l’Ile. La châtelaine est secourable ; nous n’aurons rien à craindre à l’abri des murailles de cette maison-forte, et son préau contiendrait vingt fois plus de bétail que nous n’en avons, nous et nos voisins.
— Jeannette a raison, — s’écrièrent les deux jeunes gens ; — al-