Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 9.djvu/65

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abrité par le rideau ; puis, avançant seulement sa tête au dehors de cette portière, il répéta : — Non ; messire, non, grâce à Dieu, tout n’est pas perdu !

Le capitaine, entendant cette voix timide, se retourna, reconnut le vieillard qu’il affectionnait et lui dit brusquement : — Que fais-tu… à cette porte ? entre… entre donc ! — Mais voyant Denis hésiter, il ajouta d’une grosse voix : — De par le diable, entreras-tu ?

— Me voici, messire… me voici entré ! Mais pour l’amour du bon Dieu, ne vous emportez point.

— Que veux-tu ?

— Messire… je… hum… hum… messire… je… viens… hum…

— Ah ça, maintenant, vas-tu t’expliquer ?

— Oui, messire… mais je vous en conjure encore une fois, ne vous emportez point ; je vous apporte une bonne nouvelle…

— Laquelle ?

— Une nouvelle… inespérée… hum… hum… une nouvelle miraculeuse…

— Laquelle… laquelle…

— Tout n’est pas perdu, messire… au contraire… tout est sauvé !

— Quoi sauvé ?

— Le roi et la Gaule !

— Denis ! — reprit le capitaine en jetant un regard menaçant sur l’oncle de Jeanne, — si tu n’avais des cheveux blancs, je te ferais chasser du château à coups de fourreau d’épée ! Quoi ! tu oses railler ! parler du salut du roi et de la France… lorsque tu m’entends m’écrier : Tout est perdu !

— Messire, je vous en supplie, écoutez sans colère ce que j’ai à vous raconter, si incroyable que cela vous paraisse !… Je n’ai ni la figure, ni le langage d’un bouffon… Ne me connaissez-vous pas depuis longtemps ?

— Oui, je te connais, je te sais bon et prud’homme ; aussi tes paroles malsonnantes m’ont-elles fort surpris… Allons, parle.